Des films plus visibles
Améliorer l’exposition des films classés art et essai : une question de démocratie culturelle.
dans l’hebdo N° 1405 Acheter ce numéro
À Cannes, nous, les critiques et journalistes, parlons de films qui sont encore presque tous inaccessibles aux spectateurs. C’est le principe du festival, qui concourt à sa réputation, de ne projeter que des œuvres inédites, non encore exploitées en salles. L’exercice, de longue date, est accepté par tous. Il peut susciter de l’appétit pour les films à venir, y compris quand ceux-ci sont mal reçus par la presse, mais ne déclenche nulle frustration.
Tel n’est pas le cas lorsque ces films, au moment de leur sortie, n’atteignent pas le cinéma proche de chez soi, ou n’y restent que furtivement, avec une chiche programmation aux horaires parfois baroques. Se pose là, en même temps qu’un problème économique pour le cinéma d’auteur, une question de démocratie culturelle.
Il y a quelques semaines, ici-même (n° 1396), je rapportais l’incapacité du gouvernement à maintenir un amendement, pourtant de son fait, dans la loi « création », qui prévoyait les bases d’une régulation des conditions d’exposition des films en salles.
Mais les nouvelles ne sont pas toujours mauvaises – comme le pire n’est pas toujours sûr. Au tout début du Festival de Cannes, un accord a été conclu par les professionnels du cinéma (sociétés d’auteurs et de réalisateurs, syndicats de producteurs, fédérations de distributeurs et d’exploitants…) sous l’égide du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Ce qu’il va améliorer : l’exposition des films classés art et essai les plus « porteurs » (Loach, Almodovar ou le dernier Dumont, par exemple) diffusés dans les zones rurales et les agglomérations inférieures à 50 000 habitants. Les distributeurs devront en effet consacrer 20 % de leur plan de sorties à ces territoires.
En outre, les films indépendants ne pourront plus être déprogrammés « sauvagement », les exploitants s’engageant à les maintenir au moins deux semaines sur leurs écrans. Et la multidiffusion d’une même œuvre dans les multiplexes est limitée.
Quid des films dont la distribution est économiquement plus faible ? C’est le point d’ombre de l’accord : il exclut les films à moins de vingt-cinq copies (ceux que souvent nous défendons à Politis). Mais une réforme de l’art et essai, aujourd’hui trop peu sélectif, est en projet. La démocratie culturelle reste un combat…
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don