Le soleil éclaire la Nuit debout
Il était en avril sur la place de la République, à Paris, aux côtés de Nuit debout, le camion du Cinéma solaire écume les Zad, les festivals et les places de village. Itinérant et militant.
Dix-neuf tonnes et 300 chevaux, neuf panneaux photovoltaïques et autant de batteries, le camion blanc de l’Éco-cinéma balade depuis 2012 sa carcasse de fer sur les routes de France et d’ailleurs. À l’origine, des frères, des potes, des filles et des garçons. Moyenne d’âge : 33 ans. Marine, saisonnière ; Valentin, mécanicien ; Thomas, chauffeur routier ; Line, décoratrice d’intérieur ; un autre Thomas, technicien théâtre. Le noyau dur de cette association s’est forgé d’une quinzaine de proches, essentiellement rencontrés sur les réseaux sociaux. Une association qui fonctionne en total autofinancement, sans subventions quémandées ou attendues, et qui fédère plus de 8.000 followers sur les réseaux sociaux. Avec 25.000 euros d’investissement, la troupe a acheté le bahut, 20 m2 de panneaux photovoltaïques, la table de mixage et le système cinéma qui vont bien. Roulant ou pas, le camion engrange ses 2.000 watts d’énergie solaire dans ses batteries, d’une durée de vie de dix ans.
Née de la mouvance écolo-alternative, la bande est rompue au système « D ». Ici, la récup’ est de mise, et on prône la décroissance. « On chope les bons plans en occasion et on récupère énormément de choses, explique Thomas, solide gaillard, barbe de trois jours et casquette vissée sur la tête. Nous sommes habitués à vivre sans argent, on a fait notre deuil du système actuel, avec d’autres choix de vie. » Ils se reconnaissent « politisés », mais pas encartés. Proches des mouvements écologistes et altermondialistes, avec des attaches syndicales.
NDDL, Ouarzazate, Calais
En 2013, puis en 2015, ils filent sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes pour y projeter Sur les toits, de Nicolas Drolc, un documentaire sur les mutineries de 1971 dans les prisons françaises. Ils rateront Sivens, suspendu par la tragédie d’octobre 2014 qui verra le décès de Rémi Fraisse, mais seront présents au Festival du soleil à Ouarzazate, à l’automne dernier, pour diffuser gratuitement aux minots marocains des films pour enfants sur la grande place de la ville.
© Julien Ducom
« On souhaite faire de la politique autrement, et mettre la culture au service de la prise de conscience », confie Thomas, qui vit en permanence dans le camion. « Certains films donnent à réfléchir, sans donner de réponses toutes faites, et on choisit notre programmation en fonction de ça. » Ne vivons plus comme des esclaves, de Maud et Yannis Youlountas, Tout est faux, de Jean-Marie Villeneuve, J’demande pas la lune, juste quelques étoiles, de Robert Coudray ou Travail d’arabe, de Christian Philibert, sont à l’affiche. Beaucoup de courts métrages aussi, souvent décalés, comme Time to Fucking Wake Up, d’A7IK, ou Ciel, de Sophie Chamoux. « Le court métrage, c’est le format le plus en rapport avec le brassage des spectateurs et les nombreux déplacements des gens dans un environnement en plein air », poursuit Thomas.
Comme à Saint-Denis (93), le 20 avril, dans le cadre de Banlieue debout, puis les deux soirs suivants, sur la place de la République, à Paris, où l’écran de 8 mètres par 4 relié par deux ponts de levage a réuni un millier de spectateurs de 23 heures à minuit, pour une heure de projection.
Pour nous, c’était important de faire la banlieue d’abord. Ensuite, on a rencontré les commissions animation et logistique de Nuit debout, le projet a séduit direct. Aucun droit de regard ou de demande de leur part sur le choix des films projetés.
Ils dépanneront même les organisateurs de leur sono et tenteront une vidéo-conférence en live avec la Nuit debout lyonnaise. Quelques minutes de liaison, soulevant l’enthousiasme et des cris de joie sur les deux sites.
© Nicolas SornatCet été, le Cinéma solaire tracera sa route en Normandie, en Bretagne et dans les Pays de la Loire, sur les places de village ou au gré des festivals. Il fait appel aux réalisateurs et aux producteurs pour la diffusion de docs, de fictions et de courts métrages. Avec un autre projet en cabine, une autre histoire : se poser début août sur le camp de migrants à Calais. Un engagement qui mérite aussi son grand écran.
Renseignements, contact : cinemasolaire.com et page Facebook
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don