Sport : terrain perdu par Canal +

Longtemps hégémonique dans le domaine sportif, la chaîne n’a plus beaucoup d’atouts pour séduire ses abonnés.

Jean-Claude Renard  • 25 mai 2016 abonné·es
Sport : terrain perdu par Canal +
© FABRICE COFFRINI/AFP

Avec le cinéma, et une dose de porno, c’est l’autre socle historique de la chaîne cryptée : le sport. À sa création, en 1984, on s’abonnait pour ce qu’on appelait encore la Division 1, le championnat de France de foot. La Ligue 1 aujourd’hui. Au fil des années, et au gré des ventes des droits de diffusion, de plus en plus onéreux, Canal + s’est arrogé la retransmission de toutes les plus importantes compétitions, dans tous les sports (tant que la législation le lui permet, puisqu’un décret de la loi audiovisuelle impose la diffusion en clair et donc gratuite – si l’on ne tient pas compte de la redevance – de compétitions internationales comme le Tour de France, les Jeux olympiques, la Coupe du monde ou le Championnat d’Europe de foot). Le foot d’abord, national et européen, donc, puis le basket, avec la NBA (le basket américain), et le rugby, avec son championnat de France, le Top 14.

L’arrivée de la chaîne BeIn Sports a bouleversé la donne en raison de la surenchère des droits de diffusion. Sous la houlette de Charles Biétry (l’ancien directeur des sports de Canal + de 1984 à 1998), la chaîne qatarie a commencé par s’installer en 2012 en raflant quelques matches de Ligue 1, ceux du vendredi soir et du dimanche après-midi, avant d’investir dans les championnats italien et espagnol, le rugby à XIII, chipant au passage la NBA à son concurrent. En moins de quatre ans, BeIn Sports a conquis tous les terrains, toutes les surfaces. Canal + a dû céder huit matchs de Ligue 1 et une grosse partie de la Ligue des champions, le championnat espagnol, le tournoi de tennis de Wimbledon, l’Euroligue de basket, la Ligue de diamant de l’athlétisme, les affiches européennes de rugby, et les compétitions masculines et féminines de handball. Bref, il ne lui reste que le golf, le Top 14, la Coupe de l’America, le foot anglais et deux matchs de foot de Ligue 1. C’est peu si l’on s’abonne à Canal + seulement pour le sport, à raison de 42 euros par mois, contre 13 euros pour BeIn Sports, comptant déjà 2,5 millions d’abonnés.

Dernier coup dur : en novembre dernier, la chaîne cryptée a perdu la retransmission du foot anglais, le plus sollicité et le plus spectaculaire, la Premier League, au profit d’un nouveau venu sur le marché, SFR, propriété de Patrick Drahi (pour 300 millions d’euros !), qui entend remplir ses tuyaux à la rentrée prochaine avec cinq chaînes dédiées au sport. Vu le contexte, on comprend dès lors que le groupe Canal tente maintenant un rapprochement avec BeIn Sports, en mettant sur la table 1,5 milliard d’euros sur cinq années, pour une distribution exclusive sur CanalSat. Un rapprochement qui doit être validé par l’Autorité de la concurrence. « Il faut que l’arbitrage sur ce point soit rendu d’ici à l’été », a déclaré Vincent Bolloré. Dans ce sens, la menace de fermeture n’est pas autre chose qu’un coup de bluff sur l’exécutif pour obtenir l’aval de l’Autorité.

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Que reste-t-il de l’esprit Canal ?
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