Gauche : tous ensemble contre la loi travail

Dimanche 12 juin, à Paris, se tenait un meeting unitaire de soutien aux grévistes. Deux jours avant la manifestation nationale contre le projet de loi El Khomri.

Laure Hanggi  • 12 juin 2016
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Gauche : tous ensemble contre la loi travail
© Manifestation à Marseille, le 2 juin, contre la loi travail.Photo : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP.

« Tous ensemble, tous ensemble, grève générale ! » Les sièges rouges vifs du théâtre Dejazet avaient presque disparu, ce dimanche 12 juin, sous la nuée de militants venus assister au meeting unitaire organisé par la Fondation Copernic. À seulement quelques pas de la place de la République et de ses Nuit-Deboutistes, et à deux jours de la grande manifestation du 14 juin, le mot d’ordre était simple : non et toujours non à la loi El Khomri.

Socialiste, communiste, économiste, anti-capitaliste, féministe, intellectuels, chômeurs ou syndicalistes, ils étaient une quinzaine sur scène. Une tribune partagée, où les intervenants n’ont cessé de répéter leur détermination à poursuivre la lutte, tout en condamnant, unanimement, l’action d’un gouvernement « de droite ».

« On ira, où tu voudras quand tu voudras »

Appels à la démission et accusations multiples, les oreilles du duo de l’exécutif ont dû beaucoup siffler cet après-midi. Car, comme ont tenu à le rappeler les orateurs, la mobilisation contre la loi travail est plus qu’une simple grève. C’est une rupture totale et irréversible avec une politique et, surtout, un gouvernement. « Cette loi a été faite par le PS, des gens qui étaient censés nous protéger de la droite. Il faut que le gouvernement et Valls partent », s’insurge Christine Poupin du NPA.

Ils ne se reconnaissent plus dans ce gouvernement, illégitime à leurs yeux, qui demande sans cesse des sacrifices aux salariés. « La lutte des classes, ils la veulent, ils l’auront », tonne Willy Pelletier de la Fondation Copernic, dont la proximité du gouvernement avec le patronat lui reste en travers de la gorge. « Valls chante du Joe Dassin chaque jour au Medef, pour lui dire « on ira où tu voudras », tandis que le gouvernement a besoin des caresses du Medef pour exister », continue-t-il. Des rires éclatent dans l’assemblée, tandis que d’autres approuvent de manière plus grave.

En effet, sur scène, comme dans le public, la loi travail, c’est la loi de trop. Pacte de compétitivité, loi Macron, CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi)… Pour le peuple de gauche trahi, la coupe est pleine. « Les 52 articles de la loi sont scélérats », s’époumone Gérard Filoche, membre du bureau national du Parti socialiste, au terme d’un long réquisitoire. « L’État de droit dans l’entreprise, c’est ce qu’ils sont en train de mettre à bas », achève-t-il.

« Ça va mieux ! »

Mais aussi condamnée soit-elle, tous s’accordent à dire que la loi travail, par la mobilisation qu’elle suscite, apporte un nouveau souffle à une gauche qui ne se reconnaît plus dans l’action du gouvernement. « La loi travail, aussi catastrophique soit-elle, a joué le rôle de détonateur d’une colère qui grossit depuis des années », affirme Christine Poupin, devant un public qui hoche de la tête. Ça va même « mieux » pour Malika Zediri du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) et Danielle Simonnet du Parti de gauche : « Nous reprenons confiance en notre capacité à nous opposer. »

Un espoir revendiqué par les intervenants, qui doit servir d’élan à un projet beaucoup plus large.

Il se passe quelque chose dans notre pays, affirme Clémentine Autain d’Ensemble !. Autour de la mobilisation contre la loi travail, c’est la question de l’alternative qui se pose. […] Il faut se rassembler et se fédérer pour faire grandir les politiques alternatives.

Une volonté largement partagée dans l’assistance du théâtre Dejazet pour qui le retrait de la loi ne doit être que la première étape de la mise en place d’un projet alternatif, où les besoins précèdent les profits. « La manifestation de mardi [14 juin, NDLR] va être massive, mais elle ne suffira pas. Il faut un plan d’attaque », affirme Gabriel Rosenman, de Sud-Rail, en grève depuis 26 jours.

Mieux partager les richesses, et le temps de travail, en mettant en place, pourquoi pas les 32 heures ; adopter des politiques sociales et écologiques. Mais aussi se défaire des diktats des institutions françaises et européennes, notamment de la BCE. C’est ça la « vraie » gauche au théâtre Dejazet. Un mouvement où converge les luttes, mais qui doit s’organiser dès maintenant, pour faire face aux « cinquante nuances de droites » qu’il lui faudra affronter en 2017, pour reprendre l’expression de l’auteur Gérard Mordillat.

« Ils sont l’immobilisme, nous sommes le mouvement »

Mais comment être l’alternative, et parler au nom de la rue, alors que depuis le début de la contestation, les grévistes sont présentés comme une minorité, prenant en otage le pays ? « On donnerait une image déplorable de la France ? Mais qui pense ça ? », s’interroge ironiquement Marie-Claire Cailletaud, de la CGT- Énergie, sous les applaudissements de la foule. Alors que 70% des Français seraient défavorables à la loi travail, les tribuns du meeting unitaire ont bien l’intention de démontrer et de clamer haut et fort qu’ils ne sont pas une minorité. Et que la violence n’est pas où on voudrait nous faire croire qu’elle est, alors que l’action de la CGT a été largement condamnée par le gouvernement… et le patronat. « Nous vivons dans un climat de haine sociale », affirme Marie-Pierre Vieu, du Parti communiste.

Mais où est vraiment la violence ? Que dire de la répression policière à l’égard des manifestants depuis le début du mouvement ? « La violence, elle est du côté des promesses électorales bafouées », pour Aurélie Trouvé d’ATTAC. Elle est « dans les chantiers, dans les usines, pour les femmes, qui sont sous-payées », estime Willy Pelletier de la Fondation Copernic. Elle est dans « l’aggravation de la domination patronale » permise par la loi travail, affirme Fatima Ben-Omar des Effrontées. Elle est dans « la prise d’otage du capitalisme sur la société » soutient l’économiste Frédéric Lordon.

Tous sont plus mobilisés que jamais. « Ils ne s’arrêteront nulle part, sauf si nous les arrêtons », prévient l’économiste. Au bout des deux heures qu’aura duré le meeting, impossible de douter que le mouvement va continuer. Et peut-être aussi qu’il n’est que le début de quelque chose qui se réveille, bouillonne et cherche à s’imposer. « L’impossible est temporaire, le temps doit jouer pour nous », conclut Clémentine Autain.

Politique
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