Houellebecq et Macron philosophent

L’écrivain a officié en tant que « rédacteur en chef » des Inrocks la semaine dernière.

Christophe Kantcheff  • 29 juin 2016
Partager :
Houellebecq et Macron philosophent
© FABRICE COFFRINI / AFP

Tel le monstre du Loch Ness, Michel Houellebecq fait de régulières apparitions médiatiques avant de retourner dans ses profondeurs. La semaine dernière, on l’a vu à la une des Inrocks, où il a officié en tant que « rédacteur en chef ». La journaliste présentant ce « numéro “avec lui” » ne cache pas son admiration devant le fait que « lui qui aurait pu obtenir la présence de toutes les stars [a choisi] de mettre en avant des auteurs qui n’ont pas eu la chance de bénéficier d’un accueil médiatique important ». Ce héros des sans-voix n’a-t-il pas constitué l’essentiel du sommaire en rencontrant Emmanuel Macron, Benoît Poelvoorde et Karine Le Marchand, ces obscurs anonymes ?

L’entretien avec Macron mériterait de rester dans des annales de réflexion et de prospective politiques. Réalisé au ministère de l’Économie, à défaut de La Civette de Bercy, sans doute fermée au moment des faits, l’échange atteint les cimes éthérées de la pure pensée, là où l’oxygène se raréfie – ce qui explique des choses. Les deux hommes tutoient les sommets en même temps qu’ils sont à tu et à toi. Emmanuel Macron : « Tu m’interviewes ou je t’interviewe ? » Michel Houellebecq : « Un peu les deux. » Badiou et Rancière, comme Poiret et Serrault, peuvent aller se rhabiller…

À propos du référendum comme outil de régénération démocratique, il faudrait tout citer tant ça pulse du concept – Houellebecq voudrait des référendums sur tout, Macron tente de le raisonner. Mais c’est quand on entre dans le concret que cela devient génial. Florilège. Houellebecq : « Le corps électoral [pour le référendum sur Notre-Dame-des-Landes] a été correctement défini […] _: les électeurs du département. »_ Macron : « Aujourd’hui, la vraie lutte se joue entre le capitalisme et les religions. » Houellebecq : « Je suis persuadé que Nuit debout était une honnête et sympathique tentative pour créer un endroit de démocratie directe, qui a perdu tout intérêt en étant noyauté par les gauchistes. »

Après de si tonitruants propos, on leur demande logiquement si ce n’est pas la transgression qui les rapproche. Le duo de penseurs acquiesce. Mais attention, ce n’est pas par provocation : ils transgressent « sans le vouloir ». Voilà deux précurseurs, en toute humilité. C’est bon à savoir : la semaine dernière, l’avant-garde était dans Les Inrocks.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don