Le temps des ouvriers

Quatre-vingtième anniversaire oblige : Le Front populaire est plutôt bien ressuscité en ce mois de juin. À commencer par le film de Jean-François Delassus (pour France 5), Le Front populaire, à nous la vie !. En partant des manifestations de 1934, des ligues patriotes à Léon Blum, de Maurice Thorez à Doriot, le réalisateur dresse une remarquable évocation du Front populaire, avec son principal acteur : le monde ouvrier.

Un monde qui souffre dans les usines, s’épuise à la chaîne, souvent reclus dans ses logements exigus, couchant dans la paillasse, mais un monde qui forge ses valeurs dans le fracas des ateliers, marqué par la solidarité et l’unité qui conduiront à la victoire du 3 mai 1936 d’une gauche rassemblée, aux législatives. Avant les longues grèves, viviers des fraternités et des réformes jugées alors inconcevables, mais gagnées à grand renfort de mobilisations et d’occupations des usines. Ajoutant des extraits des actualités et de films (À nous la liberté, de René Clair), puisant notamment dans le fonds audiovisuel du Parti communiste français, Delassus exhume les voix et les images d’archives de ces protagonistes ; des images soigneusement, sobrement colorisées, mais qui ne visent pas ici la spectacularisation habituelle dans ce genre d’exercice, et sans tomber, non plus, dans cette résurrection, dans la carte postale du sempiternel déjeuner sur l’herbe des congés payés.

Dans ce même esprit pédagogique et historique, Ciné-Archives édite un coffret conséquent avec La vie est à nous (signé Jean Renoir et un collectif où se bousculent, entre autres, Renoir, Becker, Cartier-Bresson et Alekan), accompagné d’une quinzaine de films militants, tournés entre 1935 et 1938, témoignant de ces années d’exaltation politique et créative. Une histoire de poings levés, de fierté, de femmes et d’hommes décidés à rester debout.