Moustiques OGM : l’Académie des sciences américaine met en garde
Face à la pression de plusieurs laboratoires pour lâcher dans la nature des insectes génétiquement modifiés, l’Académie des sciences américaine appelle à la prudence tant que ne sont pas connues les conséquences sur les êtres humains et le milieu naturel.
Plusieurs laboratoires, publics ou surtout privés, font pression sur des gouvernements africains, brésiliens et sur les autorités américaines pour que soit officiellement autorisé le recours à des moustiques transgéniques destinés à lutter contre la transmission du virus Zika, du paludisme et d’autres maladies véhiculés par ces insectes. L’Académie de Sciences américaine, qui vient de publier un rapport faisant état de ses doutes sur ce type de manipulation génétique, met en garde. Les organismes vivants modifiés par ces techniques, « ne sont pas prêts à être lâchés dans l’environnement, alerte le rapport rendu public cette semaine. Ils nécessitent davantage de recherches en laboratoires et des essais dans la nature extrêmement contrôlés ».
Cette publication attendue depuis des mois a fait l’objet de véhémentes discussions au sein de l’Académie américaine qui a subi d’énormes pressions. Elles émanaient de sociétés et laboratoires intéressés qui mènent une véritable guerre d’influence et de financements universitaires pour être les premiers à disposer de brevets, sources de profits à venir très importants. C’est le résultat du conflit entre ces pressions et les dangers mal évalués de cette technologie s’emparant du vivant qui explique que le Haut Conseil français pour les biotechnologies n’ait pas encore réussi à rendre son avis, lequel avait été annoncé l’année dernière pour le début du mois de juin 2016.
Ces manipulations visent à propager des gênes dans des populations de « moustiques sauvages » afin de rendre les insectes des générations suivantes résistants, notamment à la présence dans leurs organismes d’infections telles que le paludisme ou le virus du Zika. Seulement, ces manipulations paraissent aléatoires à terme, lorsque la modification se répand et donc se transmet dans le milieu naturel. Autant les essais menés en laboratoires en milieu confiné paraissent probants, autant les scientifiques sont contraints d’avouer qu’ils ne savent pas comment la manipulation va évoluer, et donc éventuellement se transformer dans la nature et quelles en seraient les conséquences. D’une part, elle peut entraîner l’apparition de phénomènes inconnus de « résistances » ou de mutations chez des espèces encore plus nuisibles pour les animaux et les êtres humains. D’autre part, elle peut aussi déboucher sur la disparition d’espèces d’insectes, y compris les moustiques, qui servent de nourriture aux oiseaux et aux batraciens.
D’après le professeur à l’Université d’Arizona James Collin qui a conduit l’étude destinée à l’Académie des science américaine, « avant de relâcher dans la nature des moustiques OGM, ou d’autres insectes au patrimoine génétique modifié, il faut faire beaucoup plus de recherches pour en comprendre les conséquences scientifiques, éthiques et sociales ».
Le groupe d’experts consulté explique également que « les réglementations des États sont insuffisantes pour évaluer les risques sur l’environnement ». D’autres experts, notamment ceux de l’OMS – laquelle ne s’est pas prononcée sur les moustiques génétiquement modifiés – estiment que les progrès de la lutte médicale et prophylactique contre la transmission du paludisme et d’autres maladies, accomplis depuis quelques années, sont bien moins coûteux et dangereux que la création d’une nouvelle espèce de moustique au destin incontrôlable.
Malgré les demandes réitérées des spécialistes du milieu naturel et de l’environnement, aucun gouvernement n’a encore lancé de véritables recherches sur les risques potentiels liés à l’application des méthodes OGM sur le vivant. Les apprentis sorciers des laboratoires ne se gênent pas, eux, pour se passer des autorisations et conclure directement des accords avec des autorités locales ou nationales au Brésil, au Mali ou encore au Burkina Faso.
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