Tchekhov embrumé
Une mise en scène peu inspirée de La Mouette par Thomas Ostermeier.
dans l’hebdo N° 1407 Acheter ce numéro
Thomas Ostermeier fait partie de ces metteurs en scène qui tiennent le haut du pavé dans le circuit théâtral européen. C’est rare qu’Ostermeier – dont la vision du Richard III de Shakespeare au dernier Festival d’Avignon était inoubliable – trébuche. Mais il est meilleur lorsqu’il dirige des comédiens de son équipe berlinoise. Avec des acteurs français, l’énergie de son style passe moins bien. C’était sensible quand il avait monté Les Revenants d’Ibsen à Nanterre. Ça l’est plus encore avec La Mouette de Tchekhov qu’il présente à l’Odéon.
Pourtant, la version d’Olivier Cadiot est assez amusante – à condition de considérer la pièce comme drolatique, ce qui n’est pas tout à fait le cas ! Le texte de Cadiot se moque des comédiens et, faisant quelques bonds entre les siècles, de l’utilisation des micros. Cela donne d’abord un spectacle un peu parodique, où l’ancrage dans une époque précise disparaît, et où Valérie Dréville est une très bonne Arkadina – l’actrice à succès qui ne comprend rien à la jeune génération, à son poète de fils et à la fragile Nina – et François Loriquet un juste Trigorine – l’auteur trop applaudi et trop aimé.
Mais le spectacle se poursuit avec des chansons en anglais et un tableau à la peinture noire qu’une artiste, Katharina Ziemke, construit et détruit en fond de scène avec un pinceau long de deux mètres, comme pour trouver une liberté qui n’est sans doute pas la meilleure pour saisir Tchekhov. La scène se rétrécit, les acteurs se mettent à parler si bas que les murmures nous arrivent éteints. D’ailleurs, on a l’impression que tout le spectacle s’est éteint, qu’on en a brusquement coupé l’électricité, en dépit de l’interprétation très moderne de Nina par Mélodie Richard.