Jaurès would hurler de rage
C’est de longue date que les « socialistes » ont pris le pli de faire parler les morts.
dans l’hebdo N° 1412 Acheter ce numéro
L****’indécence peut, certaines fois, mettre un peu de temps à s’imposer pour ce qu’elle est. Mais d’autres fois, non. Ce 7 juillet, par exemple, François Hollande (qui semble être né, comme beaucoup de « socialistes », longtemps avant la honte) a très tranquillement glissé ces quelques mots dans son hommage posthume à un ancien Premier ministre : « Pour Michel Rocard, le dialogue était la meilleure manière de réformer. Mais, pour lever les blocages, il n’a jamais fait preuve d’hésitation. À vingt-huit reprises, il a dû engager la responsabilité de son gouvernement pour faire adopter des textes essentiels. »
Par cette déclaration, le chef de l’État françousque suggérait, on l’aura compris, qu’il est – non moins que le défunt dont il prétendait célébrer la mémoire – quelqu’un d’ouvert et que ce n’est pas du tout parce qu’il perd ses nerfs, quand le débat parlementaire ne se réduit pas à une servile approbation des scélératesses antisociales (type loi El Khomri) qui auront rythmé son quinquennat, qu’il laisse Manuel Valls abuser du recours au 49-3, mais parce qu’il a – non moins que feu Michel Rocard – le sens de sa responsabilité, qui est de considérer que trop de démocratie bloquerait le pays.
Et, bien sûr, tout est mensonger dans cette ahurissante péroraison. Puisque, comme le rappelait Denis Sieffert dans le dernier numéro de Politis, Rocard, quant à lui, ne disposait pas, comme Hollande après son élection, de la majorité qui lui aurait permis d’éviter de recourir fréquemment au 49-3. Mieux : il considérait – il l’avait distinctement énoncé – que Manuel Valls, tout au rebours de ce qu’était donc la pratique gouvernementale rocardienne, usait pour sa part de cette arme à la fin, discrètement caporaliste, de « brutaliser et d’intimider son propre camp ».
Mais ce procédé hollandais ne doit pas surprendre, car c’est de longue date que les « socialistes » ont pris le pli de faire parler les morts – pour préempter leur héritage et leur faire dire, éventuellement, ce que jamais ils n’auraient dit. Récemment, ils ont par exemple fêté, dans le même temps exactement qu’ils procédaient à la casse du droit du travail, le 80e anniversaire du Front populaire – en psalmodiant le nom de Léon Blum.
Et leur parti, sur son site, propose à la vente des mugs frappés de cette intéressante question, évidemment destinée à faire accroire qu’eux-mêmes situent leur réflexion dans le droit fil de celle d’une autre figure tutélaire de la gauche (sans guillemets) française : « What would Jaurès do ? »
Que ferait Jean Jaurès ? C’est, au demeurant, une excellente question : que ferait Jean Jaurès s’il lui était donné d’assister au répugnant spectacle du bradage – par des gens qui profanent donc sa sépulture sans la moindre vergogne – de tout ce pour quoi il s’est battu de son vivant ?
Et la réponse ne fait évidemment pas le moindre doute : Jaurès, s’il était témoin de tant de vilenie(s), would pousser de gigantesques hurlements de rage, et exiger qu’on lui ôte promptement, et dès la prochaine élection, ces renégat(e)s de l’horizon – qu’on les renvoie à leurs mensonges et à leurs minables manipulations mémorielles.
Et puisque c’est lui qui le demande…
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.