Rions (encore) un peu avec Alain Finkielkraut

Des Pakistanais, bordel ! À Peterborough ! Et on les laisse égorger nos pintes de Guiness ?

Sébastien Fontenelle  • 6 juillet 2016 abonné·es
Rions (encore) un peu avec Alain Finkielkraut
© Photo : JACQUES DEMARTHON / AFP.

Alain Finkielkraut, publiciste à réaction, n’est pas complètement mécontent du Brexit. « Les eurocrates ne l’ont pas volé », explique-t-il dans Le Point, où l’on tient que son avis présente un réel intérêt. En effet, et toujours selon lui : ils – les eurocrates, donc – font rien qu’à « déseuropéaniser » l’Europe en criant qu’ils ne veulent « plus jamais la guerre » et « plus jamais le racisme hitlérien ni colonial », au lieu de se consacrer à la défense d’une « grande civilisation » de souche. Pour le dire autrement : ils mettent des Polonais dans les Anglais et des Turcs dans les Allemands (liste non exhaustive), et ça, Alain Finkielkraut ne le supporte pas, parce qu’il sait, lui, que : « Même si la libre circulation des personnes à l’intérieur de l’espace européen ne pose pas les mêmes problèmes que l’immigration arabo-musulmane, il faut savoir respecter les proportions [^1]_. »_

Comment le sait-il ? Il le sait parce qu’il a enquêté.

Plus précisément : « À la veille du référendum » sur le Brexit, il a « vu un reportage sur la ville de Peterborough, en Angleterre [^2] ». Et dans ce reportage : « On découvrait des rues commerçantes avec des magasins afghans, pakistanais et polonais. » Déjà : c’est glaçant. Des Pakistanais, bordel ! À Peterborough ! Mais il y a pire encore : « Les habitants disaient que les Britanniques étaient désormais minoritaires et on apprenait qu’il n’y avait plus qu’un seul pub dans toute la ville. »

Lisant cela, on est pris d’effroi, sur le mode : putain de merde, les talibans – unis à des Varsoviens – ferment les pubs de la vieille Angleterre, et nous, comme des cons d’antiracistes, on les laisse égorger nos pintes de Guinness ?

Alors l’on s’empresse, nonobstant qu’on fait toute confiance à la rigueur intellectuelle d’Alain Finkielkraut [^3], de vérifier si vraiment l’heure est aussi grave qu’il le dit, en se connectant sur un site de la ville [^4]. Où l’on découvre immédiatement qu’il y a plein de pubs à Peterborough : l’Apple Cart, le Banyan Tree, le Beeshive, le Blue Bell, le Botolph Armes, et cetera, et cetera. Plein !

L’on se recouche, rassuré(e) : ce n’était en somme qu’une divagation hallucinée de Mister F. Une de plus. Avant la prochaine. Car, bien évidemment, celle-là non plus ne mettra pas fin à sa libre circulation à l’intérieur de la presse et des médias.

[^1] Relis cette profération lentement et à haute voix : tu vas lui découvrir un puissant effet vomitif.

[^2] Parce que bon, Alain Finkielkraut a beau raire d’un bout de l’an à l’autre que c’est-aussi-à-cause-de-la-télévision-qui-lui-défait-la-pensée-que-notre-monde-occidental-court-à-sa-perte, il n’hésite jamais, quand vient le moment de documenter son altérophobie, à s’en remettre à ce qu’il voit sur son petit écran. L’investigation, d’accord, mais faut pas non plus que ça use trop la moustache.

[^3] Récemment – c’était juste après son élection à l’Académie françousque –, il a annoncé que l’unique boucherie de Villers-Cotterêts avait été remplacée par une boucherie halal. Et c’était complètement faux, mais il en aurait fallu beaucoup – beaucoup – plus pour lui barrer l’accès aux journaux, magazines, radios et télévisions où ses harangues s’arrachent.

[^4] http://[www.peterborough-camra.org.uk/index.php?module=pubguide&func=main](mdfluxindex1. Par exemple, mais il en existe bien d’autres.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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