Cécile Duflot : « Pour une République écologique »
Cécile Duflot, candidate à la primaire qui désignera le représentant de l’écologie à la présidentielle de 2017, veut redonner de la hauteur aux idées que porte son mouvement.
dans l’hebdo N° 1417 Acheter ce numéro
Alors que Nicolas Hulot a renoncé à se présenter, la députée de la sixième circonscription de Paris, ex-ministre du Logement, apparaît comme la favorite pour porter les couleurs de l’écologie lors de la présidentielle d’avril prochain. Elle sera notamment opposée à deux eurodéputés EELV – Yannick Jadot et Karima Delli – et peut-être une troisième, Michèle Rivasi. Elle avait jusqu’au 31 août pour obtenir le soutien d’au moins 36 délégués du conseil fédéral du mouvement afin de participer à la primaire de désignation, qui se tiendra fin octobre.
Alors que les idées d’EELV peinent depuis des années à trouver un large électorat, comment comptez-vous convaincre les Français que vous avez des solutions à leurs problèmes actuels ?
Cécile Duflot : Les écologistes ont été des lanceurs d’alerte, puis ils ont avancé des solutions techniques, des boîtes à outils, mais ils ont eu tendance à oublier de parler de l’horizon. Mon cap, c’est la « république écologique », un projet de sauvegarde pour humanité et planète en danger. Pour surmonter les défis qui sont devant nous, la protection de la nature, la conservation des ressources, la justice environnementale sont centrales. Il faut donc enfin les intégrer dans l’identité politique de notre pays.
La première pierre, c’est que l’impératif climatique soit inscrit dans la Constitution. Au-delà, dans ma campagne, je veux convaincre qu’une France « 100 % énergies renouvelables » peut bientôt voir le jour, qu’elle créera 900 000 emplois, et à moindre coût qu’on ne le pense. Je veux également faire résonner d’autres valeurs, comme la solidarité et le partage. Le discours sécuritaire de Nicolas Sarkozy à Grenoble en 2010 a profondément blessé la France. Et que dire aujourd’hui de cette polémique surréaliste que François Hollande laisse se développer sur le burkini, et qui fait de nous la risée du monde ? Je veux présenter au pays un autre dessein.
Nous vivons dans un pays dont la culture est forgée par une approche très centralisée des politiques, qu’il s’agisse d’aménagement du territoire, d’énergie (le nucléaire) ou d’industrialisation. Il faut proposer un autre horizon aux Français en faisant entrer le pays dans une république sociale, démocratique, laïque et écologique. C’est un changement d’imaginaire.
Cela passera aussi par un profond renouvellement de notre modèle politique : l’instauration d’un septennat non renouvelable pour le chef de l’État et l’inversion du calendrier électoral pour inscrire les élections législatives avant la présidentielle, ce qui renforcera le pouvoir des députés.
Votre lettre de candidature fait une longue référence à l’encyclique écologique « Laudato si’ » émise en 2015 par le pape François. La politique actuelle manque-t-elle de références spirituelles ?
Je plaide pour une valorisation de la dimension transcendantale des idées. Qu’est-ce qui nous fait avancer dans la vie, si ce n’est la curiosité, la foi, l’empathie ? L’encyclique du pape lie les dimensions naturelle, humaine et spirituelle des enjeux planétaires, qui ne sont pas la propriété des croyants, et se conclut par une prière qui peut être adoptée par n’importe qui. Un tel texte nous éclaire face aux défis de l’époque, c’est un antidote à la peur que suscitent à la fois le terrorisme de Daech et le dérèglement climatique.
L’horizon des solutions écologistes est souvent lointain, alors que les gens attendent des réponses rapides à leurs préoccupations immédiates. Comment sortir de ce dilemme ?
L’écologie, c’est le pouvoir de vivre. À nous de le démontrer. Dans une société écologique, la qualité de la vie des Françaises et des Français serait considérablement améliorée. Je pense au bio pour nos enfants dans les cantines, mais aussi à la réduction des atteintes à la santé liées à la pollution. Au-delà de la vie quotidienne, il faut insister sur la réalité du monde d’aujourd’hui. Par exemple, réduire rapidement notre dépendance au pétrole et à l’uranium nigérien – en sortant du nucléaire – aura un impact positif sur les tensions qui alimentent la dynamique terroriste au Moyen-Orient ou en Afrique subsaharienne. Ou encore : lutter contre le dérèglement climatique, c’est aussi limiter la hausse du niveau des mers. Reposer la question de la nature en termes politiques, c’est s’inscrire dans le temps long et parler de notre identité particulière sans succomber à la folie de l’instant.
Le gouvernement n’a pas de projet collectif à nous proposer, alors que chacun craint pour son avenir que les tensions se multiplient.
Face au repli, faisons le choix de l’inventivité. Nous devons réinventer notre pays pour rester fidèles à nous-mêmes. Le sujet, c’est que le système est à bout de souffle. Les vraies priorités concernent nos choix d’aménagement du territoire, les mutations de l’agriculture, l’investissement dans un autre modèle énergétique, etc.
L’Union européenne est mal en point, elle ne fait plus rêver personne. Certains à gauche proposent même de s’en détacher. Comment relancer la dynamique ?
Pour redonner envie d’Europe, il faudra engager une démocratisation profonde de ses institutions. Tout d’abord, renforcer le poids du Parlement européen. Je propose une nouvelle Constituante et un mode d’élection de nos représentants qui permette des listes transnationales.
Cependant, démocratiser ne servira à rien sans un projet nouveau. Ma république écologique est européenne : je plaide pour un traité environnemental européen. Les orientations budgétaires doivent également être radicalement repensées pour prioriser de grands investissements. À ce titre, l’actuel plan Junker est une vaste fumisterie. Nous devons sauver l’Europe de la mainmise des ultra-libéraux et conjurer la montée des nationalistes populistes.
La présidentielle n’a jamais réussi aux écologistes. Votre engagement, c’est pour soutenir les candidats écologistes aux législatives qui suivent ?
Je veux certes lier les deux scrutins. Mais, si je suis désignée pour porter le projet de l’écologie politique à la présidentielle, ce ne sera pas à moitié. Je m’y prépare depuis des mois, pour une campagne qui sera partagée, portée par une équipe ouverte.