FSM : Le forum en question
Modeste affluence, mouvements sociaux en recul… Le conseil international du FSM cherche les moyens de rebondir.
dans l’hebdo N° 1416 Acheter ce numéro
Dans une salle de cours de l’université McGill, à Montréal, les intervenants s’échauffent, ce vendredi 12 août : quel devenir pour le conseil international, l’organe qui préside à la destinée du Forum social mondial ? Depuis des années, la centaine de ses membres se renvoie des critiques – opacité, manque de confiance réciproque, démocratie incertaine, divergences stratégiques.
Deux positions s’affrontent. D’un côté, ceux qui aspirent à voir le conseil international – et par extension le FSM – prendre position sur des questions supposées consensuelles au sein de la mouvance altermondialiste. « Instaurons un “tribunal éthique” à Brasília pour “juger” les auteurs du coup d’État ! Qui s’y opposerait au sein du FSM ? », lance le sociologue portugais Boaventura de Sousa Santos, qui réclame aussi qu’on dénonce le gouvernement canadien, lequel a refusé d’octroyer des visas à de nombreux ressortissants du Sud. Les Palestiniens sont dans le lot, et les porteurs de la campagne BDS de boycott des intérêts israéliens demandent aussi au conseil d’élever la voix. Maher Hanin, l’un des animateurs des FSM de Tunis (2013 et 2015), appelle à son tour à dénoncer la réaction des gouvernements du bassin méditerranéen aux « printemps arabes », ainsi qu’à un « soutien politique ». Et si plusieurs grands mouvements sociaux altermondialistes étaient absents du FSM de Montréal, « n’est-ce pas en raison d’un manque de volonté du conseil international d’assumer des positions politiques ? », demande Mireille Fanon-Mendès-France, présidente de la Fondation Frantz-Fanon.
Le sociologue états-unien Immanuel -Wallerstein relève que la gauche, à l’offensive il y a dix ans, est aujourd’hui sur la défensive partout dans le monde. « Mais ce n’est pas à nos instances de descendre dans l’arène, il faut se consacrer à renforcer les mouvements sociaux. » Les figures historiques brésiliennes du forum sont sur cette ligne. « Croyez-vous que la voix du FSM aurait pesé sur le cours des récents événements au Brésil ? », interroge Moema Miranda, directrice de l’Institut citoyen d’analyses socio-économiques (Ibase).
Sans varier d’un pouce depuis la naissance du forum, dont il est l’un des cofondateurs, le Brésilien Chico Whitaker martèle : « C’est un espace ouvert, pas un mouvement social. Et le conseil n’est qu’un organe facilitateur de convergences. Veut-il s’autoproclamer “politburo” alors que ses membres sont cooptés et n’ont aucune légitimité pour parler au nom du FSM ? C’est aux organisations qui y participent de s’organiser pour prendre l’initiative de déclarations communes ! » Tensions, urgences avivées par les dérives du monde, frustrations générées par la perte d’influence des mouvements : la position du vieux sage brésilien a cependant perdu du terrain à Montréal.
Le Français Gus Massiah, figure de l’altermondialisme, tente de dépasser les oppositions. « Inspirons-nous de la stratégie des nouveaux mouvements nés dans le monde depuis 2011 – Occupy, Printemps arabe, mouvements étudiants, Nuit debout, etc. – pour préparer les prochaines initiatives. » Le conseil international se donne quatre mois pour engager sa réforme. Et un prochain FSM ? Plusieurs idées sont en piste (pour 2018 ou 2019) : à Barcelone, où la nouvelle maire est très intéressée, à Porto Alegre (pour rebondir), à Dakar ou bien dans plusieurs villes simultanément.