Il est bien naturel que le procès de Jérôme Cahuzac, en cette période électorale, donne lieu à commentaires et polémiques, tant dans le monde politique que dans les médias ; pour ce qui est du grand public, je ne sais pas : il y a un tel rejet des « gens d’en haut » qu’on n’est pas sûr qu’il prête encore l’oreille, même au bruit que l’un d’eux fait en tombant…
Car pour une chute, celle de l’ancien ministre du budget est spectaculaire et ne peut guère lui laisser l’espoir d’un retour en forme. En attendant les plaidoiries de la défense, on discute du réquisitoire : sévère sur le fond, modéré dans ses conclusions. Des observateurs aussi avertis que les Pinçon-Charlot par exemple, trouvent que la limitation à trois ans de prison (la loi aurait permis quatre de plus) illustre bien les pratiques d’ _ »une classe sociale avec des effets de manche, des concurrences, de fausses querelles, qui reste malgré tout extrêmement solidaire et mobilisée dans la défense de ses intérêts. »
Soit. Moi, ce qui m’étonne et m’étonnera toujours, c’est le fait que l’inéligibilité (le proc’ a réclamé cinq ans) d’un homme politique pris la main dans le pot de confiote ne soit pas automatique et à vie, mais passons.
Ce que je voulais surtout mettre en lumière, à l’occasion de ce procès, est le fait qu’un homme, un ministre important, qui a menti si longtemps avec un tel aplomb et pour des faits d’une gravité extrême compte-tenu de sa position éminente et de ses fonctions (ce pourquoi il ne mérite en effet aucune indulgence), que cet homme, du fait de ses mensonges d’hier, ne puisse plus rien affirmer aujourd’hui qui ne soit tenu pour une nouvelle menterie.
Ainsi des deux affirmations qu’il a avancé pour sa défense (en substance) :
1/ »Le compte en Suisse initial (1989) était destiné à du financement politique au bénéfice de la future campagne présidentielle de Michel Rocard (en 1995). »
2/ »Je n’ai jamais menti au président de la République, il ne m’a jamais posé la question d’un compte caché. » (Sous-entendu : pour la bonne raison qu’il savait fort bien à quoi s’en tenir).
Partout, dans tous les comptes-rendus de presse que j’ai lu ou entendu, ces deux déclarations ont été rejetées, tournées en ridicule, jugées scandaleuses, surtout pour la première, mettant en cause (rendez-vous compte !) un mort « qui ne peut plus se défendre ».
Pardi !
Autrement dit : « Tu as menti, Cahuzac. Tout ce que tu peux dire désormais n’a aucune crédibilité. Tu es condamné par nous, opinion publique, en la personne de ses représentants médiatiques, au mensonge à perpétuité. »
Eh bien, à l’inverse, et sans vouloir minimiser en rien la faute inexcusable de cet homme aujourd’hui déchu, je tiens moi pour vraisemblables l’un et l’autre de ces éléments de défense que l’on n’a pas voulu écouter.
(A suivre)
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