Dessiner la rêverie

Souvent, les titres de ses disques donnent le ton. Ou, plus exactement, ils nous renseignent sur certains procédés musicaux à l’œuvre dans le projet. Avec Tracé provisoire, l’essentiel est dit. Le violoniste Dominique Pifarély dessine le plan de la « maison » qu’ils vont ensuite habiter à quatre.

Le tracé initial (entendez les compositions de Pifarély), aussi précis soit-il, est voué à la transformation, au renouvellement, au déplacement inédit, à l’impermanence et à la transposition en temps réel, au gré du collectif. Ainsi l’écriture de Pifarély se prête-t-elle intrinsèquement au jeu de l’instantanéité. Un art majeur qu’il pratique avec maestria depuis le début des années 1980, avec la spécificité, ici, d’ajouter à l’impondérable entrelacs écriture-improvisation l’imprévisibilité structurelle de la prestation.

Ainsi le tracé de chaque concert se dessine-t-il en temps réel, sans chronologie préétablie. L’enregistrement ne porte pas atteinte à cette dynamique. Il permet au contraire de saisir toute la subtilité du processus et de mettre en valeur « l’organicité en mouvement », autrement dit « l’être ensemble » du quartet. Un dispositif que le violoniste associe volontiers au sentiment d’urgence qui habite sa musique.

« L’idée [est] de mettre en mouvement l’écoute de l’auditeur, de tenter opiniâtrement d’ouvrir le champ de la rêverie et de la pensée. Du fait de la mainmise de l’industrie, il n’y a plus cette adéquation entre les musiques de création, les musiques qui sont en dehors du champ du divertissement – et je ne pense pas simplement au jazz et aux musiques improvisées – et le champ de la pensée politique. » À savoir : le formatage de la musique entraîne le formatage de l’écoute, et donc le sens que peut avoir la musique. À méditer.

Tracé provisoire, ECM. En concert en trio le 17 septembre à Autun (Saône-et-Loire) ; en quartet le 6 novembre, à Parme (Italie) ; en trio le 7 novembre à Nevers (Nièvre).