Le mirage de la mine « propre »
Obsolète, le code minier doit être réformé. Mais les évolutions en cours laissent les associations environnementales sceptiques.
dans l’hebdo N° 1419 Acheter ce numéro
« La France doit redevenir une nation minière. » Cette citation ne vient pas d’un personnage du célèbre roman de Zola Germinal, mais d’Arnaud Montebourg, encore ministre du Redressement productif, en octobre 2012. Jusque dans les années 2000, la France tirait profit de son sous-sol, riche en uranium, en charbon ou en fer. Mais la rentabilité de ces métaux a chuté, entraînant la fermeture de dizaine de mines, dont la mine d’or de Salsigne, dans l’Aude. Depuis, le cours des métaux est remonté, et les industriels français ont décidé de reprendre leur indépendance.
Les permis de recherche et d’exploration sont distribués à tour de bras par le ministère de l’Économie et celui de l’Écologie : selon la cartographie Panoramine, réalisée par l’association Ingénieurs sans frontières (ISF SystExt), 15 demandes de permis sont encore en cours d’instruction, dont 5 en Guyane. Mais le code minier qui régit ces projets est obsolète. Créé en 1956 par une reprise de la loi de 1810, il a ensuite été remanié en 2011 mais il est en passe d’être réformé car jugé trop procédurier par les industriels et non conforme à la Charte de l’environnement.
Début 2013, un projet de réforme était présenté au Conseil des ministres par le conseiller d’État Thierry Tuot, mais, depuis, tout a été remis à plat. « Nous avons besoin de refaire le code minier, affirme Juliette Renaud, chargée de campagne sur les industries extractives pour l’association les Amis de la Terre. Cette nécessité est apparue lorsque les permis de recherche des gaz de schiste ont commencé à être accordés. Personne n’était jamais consulté. Mais, lors des premières discussions, la question de la participation publique n’était pas du tout posée. » De même pour la gestion de l’après-mine ou le «droit de suite», qui permet au détenteur d’un permis d’exploration de faire la demande d’un permis d’exploitation.
Pour montrer sa bonne volonté, le gouvernement a créé en avril 2015 un comité de pilotage « Mine responsable » dans le cadre de la Stratégie nationale de transition énergétique vers un développement durable (SNTEDD). « Le projet consistait à dégager des lignes de comportement des opérateurs miniers vis-à-vis des territoires. Une mine qui vient s’installer sur un territoire le transforme, car c’est une installation industrielle avec une centaine de personnes sur place. En zone rurale, c’est un énorme changement sur le plan humain et environnemental : cela doit être anticipé, se gérer, explique Rémi Galin, chef du Bureau de la gestion et de la législation des ressources minérales non énergétiques. Les techniques et les méthodes ont évolué, notamment pour préserver l’eau et la santé du personnel. » Par exemple : réduire l’empreinte écologique grâce à la gestion des rejets des déchets ou traiter les minerais en souterrain pour éviter la pollution de l’air.
Pourtant, on ne trouve aucune trace des observations formulées par les ONG environnementales sur le recyclage des métaux ou la durée de vie des appareils liés aux nouvelles technologies. Et la notion de responsabilité liée aux dégâts sanitaires et environnementaux sur les sites contaminés ne semble pas guider les réflexions. Six mois après le début des discussions, France nature environnement et Ingénieurs sans frontières se sont désolidarisés du groupe de travail. « Quand nous sommes arrivés, nous espérions que la société civile pourrait faire entendre sa voix, raconte un représentant d’Ingénieurs sans frontières. Or, nous ne pouvions pas nous exprimer, et notre travail n’était pas pris en compte. Nous avons été utilisés comme caution écolo et non comme acteurs. »
La « mascarade démocratique » dénoncée par les associations et la démission du ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, laissent présager que cette réforme restera enterrée longtemps. Pendant ce temps, des entreprises privées continuent d’acquérir des permis d’exploration, comme Variscan Mines (voir page précédente), selon un code minier archaïque. « Une mine propre n’existe pas, affirme le représentant d’Ingénieurs sans frontières, mais beaucoup de choses peuvent être mises en place pour atténuer les dommages et changer l’image des mines. »