« Chouf », de Karim Dridi : Guetteurs de poudre
Karim Dridi montre le trafic de drogue dans une cité marseillaise.
dans l’hebdo N° 1422 Acheter ce numéro
« Chouf » signifie, dans le langage de la police, « le guetteur », c’est-à-dire celui qui, dans les cités marseillaises, surveille si le trafic de drogue se déroule sans anicroche. Karim Dridi a choisi ce terme comme titre pour indiquer que son film donne à voir une vie et des personnages largement ignorés ou fantasmés. De retour dans les quartiers nord, où il avait tourné Khamsa (2008), le cinéaste s’y est immergé et y a rencontré la plupart de ses comédiens. Il en tire une fiction amplement documentée, qu’il a orientée vers le film de genre. Ce qui laisse, finalement, dubitatif.
Toutes les scènes d’action de Chouf sont pourtant impeccablement mises en scène. Et il y en a ! À partir du moment où le frère de Sofiane (Sofian Khammes) est tué, celui-ci arrête ses études, qui l’avaient éloigné des trafics, pour obtenir vengeance. Mais ces scènes choc finissent par phagocyter un film qui promettait davantage.
Ainsi, le scénario sacrifie trop vite tout un pan de la vie de Sofiane – sa famille, sa petite amie… – qui apportait d’autres points de vue et des rythmes différents, enrichissant le film d’une complexité bienvenue. Celui-ci se concentre sur la « loi » sauvage imposée aux membres de la bande par leur chef (Foued Nabba) et sur la mécanique des règlements de comptes. L’idée de Karim Dridi est de montrer à quel point cet engrenage n’admet aucune échappatoire. Ces jeunes sont autant les acteurs que les victimes de leur tragique business. Et, en cela, le cinéaste témoigne d’une honnêteté appréciable, qui exclut toute arrière-pensée politique de mauvais aloi. Chouf est aussi servi par de jeunes acteurs qui, sans exception, sont d’une justesse remarquable – Foued Nabba, notamment, en impose, entre brutalité et douceur inquiétante. Des qualités qui font regretter le film que Chouf aurait pu être…
Chouf, Karim Dridi, 1 h 48.