Climat : une drôle d’histoire
L’urgence est d’obtenir une révision des engagements des États.
dans l’hebdo N° 1424 Acheter ce numéro
A****près l’Accord de Paris, la Convention des Nations unies sur le changement climatique (COP 22) se tiendra du 7 au 18 novembre à Marrakech. Au 5 octobre 2016, 74 parties de la Convention représentant 58,82 % des émissions globales avaient ratifié l’Accord de Paris, qui deviendra effectif le 4 novembre. Nul doute que cet accord « historique » sera largement célébré. Si après l’échec de Copenhague celui-ci semble miraculeux, de quelle histoire s’agit-il ?
Elle est tracée au fil de plusieurs rapports. Outre les données des sciences du climat et les records de réchauffement récents, le rapport 2016 de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) prévoit une augmentation de l’extrême pauvreté de 35 à 122 millions de personnes supplémentaires d’ici à 2030, du fait de l’impact des changements climatiques. Ces chiffres s’accordent avec la prévision de 250 millions de réfugiés climatiques en 2050, alors que selon un rapport de l’Oxfam, la moitié des plus pauvres de la population mondiale, soit près de 3,5 milliards de personnes, sont responsables de seulement 10 % des émissions. Dans la même veine, un nouveau rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) chiffre le coût de l’adaptation au changement climatique dans les pays en développement entre 140 et 300 milliards de dollars par an en 2030, et entre 280 et 500 milliards de dollars par an d’ici à 2050. Au-delà de l’aridité des chiffres et des prévisions, la désolation écologique est l’expérience vécue de communautés humaines toujours plus nombreuses, se trouvant déjà sur le front du réchauffement climatique. Telle est l’histoire concrète qui entoure l’Accord « historique » de Paris.
Ce dernier a fixé un objectif de réchauffement global de 1,5 °C à l’horizon 2100. Pour l’atteindre, les États ont déclaré en 2015 leurs engagements de réduction volontaire des émissions : s’ils étaient respectés, ils conduiraient à un réchauffement global de plus de 3 °C. L’histoire en question pourrait alors s’emballer ! D’autant que le premier bilan de ces engagements est prévu pour 2023, avec une révision en 2025. Trop tard aux yeux de l’Agence internationale de l’énergie, qui dans son rapport de 2011 montrait la nécessité des réductions avant 2020 : le réchauffement climatique est cumulatif, son évolution n’est pas linéaire. Telle est l’histoire du réchauffement climatique ! Enfin, l’Accord de Paris a réitéré l’engagement de réunir chaque année au moins 100 milliards de dollars pour financer l’atténuation et l’adaptation au réchauffement climatique dans les pays du Sud. Outre que ces fonds ne sont toujours pas réunis malgré les annonces, que leur origine et leur nature ne sont pas définies – financement public ou privé, dons ou prêts, financements additifs ou reconversion d’aides antérieures –, l’histoire nous dit qu’ils sont dramatiquement insuffisants.
C’est pourquoi, en vue de la conférence de Marrakech, dite conférence de l’action, l’urgence historique est d’obtenir une révision des engagements des États, d’en faire le centre de la conférence de 2018 et de bloquer tous les projets contraires.
Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.