Disparition : Dario Fo, un clown révolté
Une vie de combat par le théâtre, liée à l’histoire politique de l’Italie.
dans l’hebdo N° 1424 Acheter ce numéro
La mort est le seul adversaire qui ait fait plier Dario Fo, disparu le 13 octobre à Milan, âgé de 90 ans. Toute sa vie, avec sa femme Franca Rame, il avait affronté les puissances et les potentats du capitalisme et de l’idéologie conservatrice, et rien n’avait arrêté son élan de farceur révolté. Son combat, il le menait par le théâtre, avec ses pièces, souvent courtes, son équipe prête à intervenir dans les usines en grève, et à l’aide de son propre talent d’acteur, qui était éblouissant. Il dessinait, fabriquait les décors, débattait, montait sur scène et écrivait.
L’histoire de Dario Fo est étroitement liée à l’histoire politique de l’Italie, avec des accidents qui contredisent les lignes droites des récits dogmatiques : plutôt anarchiste, il fut désavoué par le Parti communiste alors qu’il multipliait les actions avec les ouvriers et les militants ; à la fin de sa vie, il fit un pas de danse avec le mouvement Cinq étoiles, du populiste Beppe Grillo. Tout cela sera à explorer dans les biographies du futur.
L’artiste, qui reçut le prix Nobel de littérature en 1997 (c’était le premier pied de nez que firent les Nobel, rarement rigolards mais parfois surprenants !), était un immense personnage qui, avec sa diabolique dialectique comique, réécrivit de pièce en pièce la saga saint-sulpicienne de l’Église, du Moyen Âge et de la conquête de l’Amérique pour rendre aux pauvres et aux délaissés la place que les clercs ne leur avaient jamais donnée. Face aux scandales de l’actualité, il faisait de même. Faut pas payer !, dit le titre d’une de ses pièces, où les braves gens décident de ne plus se laisser manger la laine sur le dos. Il faudrait que cent ou mille théâtres en Europe remettent tous à l’affiche, et le même jour, Faut pas payer !