Fiscalité : injustice et inefficacité

Le coût des niches fiscales a augmenté de 36 % depuis 2012.

Dominique Plihon  • 12 octobre 2016 abonné·es
Fiscalité : injustice et inefficacité
© Photo : PHILIPPE HUGUEN / AFP.

La présentation au Parlement de la loi de finance (PLF) de 2017 révèle les grandes orientations politiques du gouvernement. Parmi les dépenses annoncées, il est une catégorie qui ne peut manquer d’interpeller les citoyens : les « dépenses fiscales », plus connues sous l’appellation de « niches fiscales ». Selon l’expression bien connue : « Dans chaque niche fiscale, il y a un chien qui dort » ; la plupart de celles-ci sont en effet des cadeaux fiscaux en faveur d’intérêts particuliers, allant des éleveurs de chevaux aux détenteurs d’actifs financiers. Une annexe du PLF 2017 recense 449 niches, pour un montant de 90 milliards d’euros. Le candidat François Hollande s’était engagé à réduire ce montant d’une trentaine de milliards ; en réalité, leur coût total a augmenté de près de 25 milliards (+ 36 %) depuis 2012 !

Cette forte hausse s’explique quand on sait que la niche fiscale la plus coûteuse pour le contribuable (elle représentera 13 milliards en 2017) correspond aux baisses de charges accordées aux entreprises dans le cadre du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Mesure phare du quinquennat de François Hollande, le CICE était supposé favoriser la création d’emplois (1 million selon le Medef), relancer l’investissement et améliorer la compétitivité. Le comité de suivi du CICE vient d’en publier le premier bilan depuis sa création en 2013 : ce cadeau fiscal a bien contribué à améliorer les marges (les profits) des entreprises, mais n’a eu qu’un impact très limité sur l’investissement et l’emploi.

La deuxième niche fiscale, par ordre d’importance, est le crédit d’impôt recherche (CIR), dont le coût est estimé à 5,5 milliards d’euros. Cette dépense créée en 2007 était supposée stimuler la recherche des entreprises françaises, en retard dans ce domaine par rapport à leurs principales concurrentes. Or, des rapports successifs de la Cour des Comptes, du syndicat Solidaires Finances publiques et du mouvement des chercheurs [^1] ont montré l’inefficacité du CIR. Non seulement cette mesure n’a pas permis de combler le retard français, mais il a été démontré que plus de 60 % de ces cadeaux fiscaux profitent aux grandes entreprises, qui l’utilisent comme un instrument d’évasion fiscale !

Alors, faut-il supprimer les niches fiscales ? Toutes ne sont pas à mettre sur le même plan. Ainsi, la légitimité de la prime pour l’emploi, qui va être remplacée par la prime d’activité, peut difficilement être contestée, même si cette mesure, dont le coût budgétaire est de 2 milliards, n’est pas à la hauteur des enjeux actuels du chômage. De même, la baisse de la TVA à 10 % pour les travaux de rénovation peut être considérée comme une dépense fiscale utile (coût : 3,3 milliards) dans le cadre de la transition énergétique.

Le maintien ou la suppression des niches fiscales devraient être décidés en fonction du double critère d’efficacité et de justice. Et, selon ce double critère, remettre en cause le CICE et le CIR apparaît nécessaire.

[^1] Sciences en marche, « CIR et R&D : l’efficacité du dispositif depuis 2008 » (6 avril 2015). Solidaires Finances publiques : « Crédit d’impôt recherche : du crédit d’impôt à la recherche… » (15 avril 2015).

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