« Olli Mäki », de Juho Kuosmanen : Les coups au cœur du boxeur
Olli Mäki, du Finlandais Juho Kuosmanen, met en scène un champion partagé entre son amour pour sa fiancée et les exigences d’un match crucial.
dans l’hebdo N° 1424 Acheter ce numéro
Olli tente sans succès de faire démarrer une voiture. Il empoigne alors son vélo, emmène sa fiancée, Raija, sur son porte-bagages, et tous deux se rendent ainsi à une noce, qui se déroule dans une grande maison de campagne. Ce sont les premières séquences d’Olli Mäki, en noir et blanc (et en 16 mm) pour signifier l’époque : 1962.
Ce début, qui ressemble à celui d’une chronique champêtre et familiale, avec un beau travelling sur les deux amoureux dévalant à bicyclette une route à travers bois, ne laisse aucunement penser qu’on est là en présence d’une œuvre dont le héros est un boxeur. Mais Olli Mäki n’est pas à proprement parler un film de boxe. Il en ignore les clichés et les intrigues obligées pour en faire quelque chose d’autre : une comédie sentimentale.
Olli Mäki (Jarkko Lahti) est l’un des meilleurs boxeurs que la Finlande ait connus. Se profile devant lui ce qui s’annonce comme le match de sa vie : un championnat du monde qu’il doit disputer à domicile contre un adversaire américain. Juho Kuosmanen, dont c’est ici le premier long métrage, s’est inspiré de l’histoire d’un vrai boxeur, aujourd’hui un vieux monsieur, dont la silhouette traverse l’écran dans le dernier plan, avec à son bras sa femme, qui est le second personnage important du film.
Raija (Oona Airola) est en effet non seulement aux côtés d’Olli quand celui-ci retourne à Helsinki pour préparer son match, mais aussi au centre de ses pensées. Un joli moment du film montre Olli prendre soudain conscience qu’il en est très amoureux et, trop plein de cette révélation, le dire à la dernière personne capable d’entendre cette confidence : son entraîneur (Eero Milonoff).
Olli ne va cesser d’être ainsi partagé entre son amour pour Raija, la félicité qu’il ressent d’être avec elle, et les impératifs de l’échéance sportive, qui nécessite concentration et perte de poids. La subtilité du film consiste à suivre Olli non pas hésitant entre ces deux choix, mais essayant de concilier ces deux événements probablement parmi les plus importants de son existence. Tout ce qui ne relève pas purement de la boxe, en revanche, mais que son entraîneur lui demande d’assumer, comme les interviews et les dîners mondains, sont pour lui une perte de temps à quoi il se dérobe, en compagnie de Raija, dès la première occasion.
Dans le rôle d’Olli Mäki, Jarkko Lahti est absolument crédible, avec son corps ramassé, trapu, que la caméra montre sans jamais s’attarder sur les muscles et la testostérone. Mais le regard du boxeur, normalement focalisé sur son sparring-partner pendant les entraînements, est prompt à se laisser distraire par les élans du cœur.
Olli Mäki est un film d’un charme fou, qui subvertit les notions de performance et d’événement national, et où l’amour gagne par K.-O.
Olli Mäki, Juho Kuosmanen, 1 h 32.