Un avenir apaisé pour la Corse
L’indépendantiste Jean-Guy Talamoni décrit les transformations auxquelles il aspire pour une île de Beauté sans tutelle mais amie de la France.
dans l’hebdo N° 1424 Acheter ce numéro
Le 13 décembre 2015, le courant nationaliste corse, emmené par l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni et l’autonomiste Gilles Simeoni, remportait pour la première fois les élections régionales à Ajaccio, Talamoni devenant président de l’Assemblée de la Collectivité territoriale de Corse (CTC), Simeoni prenant en charge son exécutif. Non sans provoquer un petit scandale du côté de Paris, les deux leaders prononcent alors une partie de leur discours d’investiture en langue corse. Mais leur élection n’aurait sans doute jamais été possible sans la décision unilatérale des clandestins du Front de libération nationale de la Corse (FLNC) en 2014 de suspendre la lutte armée, engagée depuis 1976. Une déclaration qui change entièrement la donne dans une île aspirant à la paix et qui permet l’alliance entre les différentes tendances du nationalisme insulaire, divisé jusque-là sur la question de la violence politique.
Siégeant désormais au perchoir de l’Assemblée de la CTC, Jean-Guy Talamoni, avocat et enseignant à l’université de Corte, longtemps soutien politique du FLNC, tente avec la majorité nationaliste de mettre en œuvre son programme élaboré au fil de ces dernières décennies. L’essai qu’il publie aujourd’hui se veut donc une explication de ce dessein, à l’heure de la difficile confrontation avec le réel.
Loin, cependant, de se limiter à un livre-programme, l’auteur revient d’abord sur l’histoire mouvementée de l’île. Entre l’exploitation féroce durant quatre siècles des Génois et celle des Français qui « achetèrent » en 1768 à la fois une terre et un peuple, l’élu nationaliste est fier de rappeler comment la Corse innova en créant dès 1755 un modèle républicain et de tolérance religieuse précurseur, sous l’égide de Pasquale Paoli, inspiré et salué par les Lumières européennes, de Voltaire à Rousseau ou Diderot. Jean-Guy Talamoni souligne avec brio les échos entre les aspirations de ce petit peuple révolutionnaire au beau milieu du XVIIIe siècle et le mouvement initié à partir des années 1970 du Riacquistu, cette volonté de « réacquisition » de sa culture, de sa langue, de son histoire – et donc de son destin.
Mais, au-delà de l’histoire, où il puise néanmoins son inspiration, l’auteur veut regarder vers un avenir apaisé. Celui d’une Corse « débarrassée de toute notion de dépendance, de tutelle ou de subordination » vis-à-vis de la France, avec qui elle conservera, insiste-t-il, un « lien amical ». Co-officialité de la langue corse, amnistie (ou au moins rapprochement) des prisonniers politiques détenus (la plupart) sur le continent, statut de résident protégeant mieux, notamment face aux spéculateurs immobiliers, l’environnement et les membres de la « communauté de destin » que forment tous les habitants de l’île – notion qui rejette toute conception ethnique ou héréditaire du peuple corse, donc tout racisme. Ce sont là les principaux axes développés dans ce livre de l’action engagée par la nouvelle majorité à la CTC, issue d’un courant nationaliste qui apparaît toujours comme la principale force de propositions dans l’île. En dépit des résistances parisiennes et des restrictions budgétaires que subissent actuellement les collectivités territoriales.
Avanzà ! La Corse que nous voulons, Jean-Guy Talamoni, Flammarion, 170 p., 17 euros.