Adama Traoré : La famille dans le collimateur
La mort d’Adama Traoré le 19 juillet à Beaumont-sur-Oise entre les mains des gendarmes donne lieu à une escalade de violences… et d’humiliations pour sa famille qui réclame justice.
dans l’hebdo N° 1430 Acheter ce numéro
Le 19 juillet, les gendarmes interpellent Adama Traoré à Beaumont-sur-Oise. Quelques heures plus tard, ils constatent son décès. Le jour de son 24e anniversaire. La famille dénonce une bavure des forces de l’ordre. Une hypothèse à prendre en compte tant les circonstances de sa mort et l’attitude des autorités sont troubles. La version officielle parle d’un malaise cardiaque, la première autopsie ne signale que des « égratignures », selon les déclarations d’Yves Jannier, le procureur de Pontoise, alors en charge de l’affaire, aujourd’hui muté. Jamais il n’évoquera les symptômes d’asphyxie, car cela remettrait en cause le « plaquage ventral », effectué par trois agents lors de l’interpellation.
Cette méthode d’immobilisation, pouvant être mortelle, a maintes fois été dénoncée par des associations de défense des droits de l’homme. Près de deux mois après le drame, un pompier présent pour secourir Adama Traoré affirme qu’il l’a trouvé menotté et « face contre terre », et non en position latérale de sécurité. Un témoignage qui s’oppose à la version des gendarmes, relance les soupçons de violences des forces de l’ordre, et met en lumière les contradictions du procureur de Pontoise.
Au-delà de cet imbroglio judiciaire, les tensions sont montées d’un cran en novembre. La maire UDI de Beaumont-sur-Oise, Nathalie Groux, porte plainte contre Assa Traoré, la sœur de la victime, pour ses propos tenus dans l’émission « Le Gros Journal », sur Canal + : « La maire de Beaumont a choisi son camp, elle se met du côté des gendarmes, c’est-à-dire du côté des violences policières. »
Le silence de l’élue face à cette famille en deuil ainsi que l’ordre du jour d’un conseil municipal axé sur le vote de la protection fonctionnelle, permettant à la maire de bénéficier d’une aide financière pour ses propres frais de justice, déclenchent des heurts dans le quartier. Bagui et Youssouf Traoré, deux frères d’Adama, sont accusés d’agression sur des policiers, interpellés et placés en détention « pour prévenir les violences urbaines ». Un comble ! Le recours en référé-liberté déposé par Me Yassine Bouzrou contre leur détention provisoire sera finalement examiné le 6 décembre par la cour d’appel de Versailles, en formation collégiale. Preuve de la complexité de l’affaire.
Bernard Cazeneuve a reçu la maire de la ville pour l’assurer de son soutien, mais n’a jamais envoyé de condoléances à la famille. Quatre mois qu’elle (ré)clame « Justice et vérité pour Adama ». Toujours rien, sauf une escalade de violences, de silences et d’incompréhensions.