COP 22 : le vif du sujet
Le sommet climat de Marrakech tentera de traduire en actes l’Accord de Paris, la partie difficile des négociations.
dans l’hebdo N° 1427 Acheter ce numéro
Inévitables congratulations, lundi, à l’ouverture de la COP 22, qui se tient à Marrackech jusqu’au 18 novembre. Car l’Accord de Paris sur le climat, signé en décembre 2015 (COP 21), est « entré en vigueur » trois jours avant. Il fallait pour cela la ratification d’au moins 55 pays contribuant à 55 % des émissions de CO2 ou plus. Les États-Unis et la Chine, les deux poids lourds mondiaux, s’en étaient acquittés de concert le 3 septembre, avant l’Inde et l’Union européenne, début octobre [^1]. Il avait fallu attendre 2005 pour le Protocole de Kyoto, signé en 1997.
Mais cette étape n’en reste pas moins mineure. D’abord parce que l’Accord de Paris ne prévoit d’être effectif qu’à partir de 2020. Ensuite parce que sa signature n’a été obtenue qu’au prix du report de la mise au point pratique des engagements politiques : maintenir la hausse des températures à 2 °C, voire 1,5 °C, pour le principal.
Il faut maintenant passer des discours aux solutions concrètes : Paris s’était arrogé les paillettes, à Marrackech (et aux COP suivantes) le cambouis d’une mécanique délicate. Déclaration des émissions, mesures… Comment s’assurer de la transparence des parties prenantes, et quelles méthodes de suivi ? Alors que la somme de leurs engagements actuels de réduction d’émissions est très insuffisante [^2], les signataires ont prévu de les ajuster tous les cinq ans. Mais, 2025, c’est bien trop tard pour corriger le tir, s’alarment les organisations citoyennes. La concentration de CO2 dans l’atmosphère grimpe toujours et dépasse 400 parties par -million (ppm), quand il faudrait revenir à 350 ppm pour espérer limiter la hausse des températures à 1,5 °C. Et 2016 s’annonce comme l’année la plus chaude depuis les premières mesures, il y a cent cinquante ans.
Le dossier du financement progressera-t-il à Marrackech ? Les pays riches s’étaient engagés en 2009 à mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. L’an dernier, l’OCDE avait provoqué l’ire de l’Inde (entre autres) en alléguant que les contributions identifiées atteignaient 64 milliards de dollars, contre trois à quatre fois moins selon d’autres relevés. Là aussi, la transparence sera essentielle au maintien du fragile pacte de confiance ébauché à Paris.
Tout aussi épineuse est l’affectation des sommes. Le Nord privilégie les actions de réductions d’émissions, génératrices d’affaires (vente de technologies vertes), quand le Sud, le plus touché par le dérèglement et le moins responsable de la situation, exige la priorité aux mesures d’adaptation pour ses populations.
Même clivage sur les questions agricoles, esquivées par l’Accord de Paris. Le Maroc, pays hôte, a lancé son initiative « Adaptation de l’agriculture africaine » à la COP 22. Le Nord préfère modifier les pratiques de l’agriculture industrielle à coups de technologies pour la rendre neutre en gaz à effet de serre (elle contribue à environ 20 % des émissions). Le Sud demande la sauvegarde urgente du gagne-pain de milliards de paysans qui voient s’accentuer les sécheresses et les inondations. L’Accord de Paris, dont tout signataire peut librement se retirer à tout moment, est encore loin d’entrer concrètement en vigueur.
[^1] À ce jour, 97 pays ont ratifié l’accord, sur 194 parties signataires.
[^2] Ce scénario conduirait à une augmentation des températures de 3 à 4 °C.