« J’enrage contre Clinton »

Victoria est étudiante à Paris. Cette jeune Américaine, qui était favorable à la candidature de Bernie Sanders, nous livre sa vision de la campagne.

Pauline Graulle  • 16 novembre 2016 abonné·es
« J’enrage contre Clinton »
© Photo : DON EMMERT / AFP

« Je me suis intéressée à la candidature de Bernie Sanders assez tard, à la toute fin 2015, quand j’ai entendu mes amis parler de lui. Les propositions de Sanders pour les États-Unis étaient nouvelles. Elles auraient pu changer la vie de ma mère, qui travaille 70 heures par semaine. Changer le coût de l’éducation, qui m’a poussée à quitter mon pays et a forcé mon petit frère à travailler au lieu d’aller à la fac – car il ne voulait pas se mettre sur le dos des milliers de dollars de dettes. Changer le coût de la santé, qui nous fait hésiter avant de consulter un médecin… Il y avait tant de choses dans cette campagne que je trouvais progressistes, rafraîchissantes, honnêtes. Je n’aimais pas ce qu’Hillary Clinton représentait : une politicienne issue d’un système qui n’a jamais aidé quiconque dans mon entourage et a immobilisé le pays, sous couvert d’une politique faussement progressiste.

Une fois Clinton désignée comme la candidate qui ferait face à Trump, j’ai été déçue, en colère même. Je savais aussi que j’aurais la responsabilité de voter pour le moindre des maux. Trump président ? C’était impensable et grotesque. J’ai donc voté pour Clinton. Non pas parce que je suis d’accord avec elle, mais parce que je ne voulais pas que Donald Trump devienne mon président. J’avoue ne pas avoir été à l’aise avec ce choix. Et puis elle a perdu.

À l’annonce du résultat, incrédule devant ma télévision pendant au moins une heure, j’ai ressenti de la peur et de l’inquiétude pour mes amis et ma famille. Et, depuis, j’enrage contre Clinton. Plus les jours passent, plus je suis persuadée que c’est elle qui est responsable du désastre de cette élection. Principalement pour trois raisons.

D’abord, Hillary Clinton s’est rendue trop dépendante : d’une part, d’Obama et du Parti démocrate (alors qu’elle aurait dû proposer son propre programme) ; d’autre part, des sondages d’opinion. Des chaînes comme CNN ont affirmé qu’elle gagnerait, ce qu’elle a cru à tort, et nous aussi. Nous étions si confiants dans ces sondages, dans le soutien du Parti démocrate et d’Obama, que la plupart d’entre nous n’ont pas voté.

Ensuite, elle n’a fait qu’empirer le scandale des emails en supprimant ses conversations avec l’ex-cheffe du Parti démocrate. Sa malhonnêteté lui a fait perdre beaucoup de voix des pro-Sanders, certains d’entre eux finissant par voter pour Trump et pour sa promesse de « quitter le système ».

Enfin, en jouant trop la carte de la « femme présidente », Clinton a, selon moi, creusé sa propre tombe. Je suis féministe mais, pour moi, qu’elle soit une femme ne signifie pas qu’elle aurait été une meilleure présidente que Sanders.

Tout ce que je peux faire aujourd’hui est de voir ce qu’il adviendra. Ce qui est clair, c’est que, depuis cette élection qui nous a ouvert les yeux, nous, Américains, avons beaucoup de travail devant nous. »

Monde
Publié dans le dossier
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