Le cercle des libéraux repentis

Benoît Lambert et François Bégaudeau imaginent avec humour la confession d’anciens défenseurs du capitalisme.

Anaïs Heluin  • 23 novembre 2016 abonné·es
Le cercle des libéraux repentis
© Photo : Vincent Arbelet

Ils ont « cru résoudre le réchauffement climatique en achetant des parasols. Ou se consoler d’un deuil en achetant une pizza ». Mais ça, c’était avant. Face à Patrick, présentateur qui décrit leurs illusions passées avec un langage énergique et décontracté très télé-réalité, Luc, Madeleine, Simon, Marthe et Jeanneont compris leurs erreurs. Prisonniers du système de pensée libéral qu’ils incarnaient à travers des postes haut placés, ils allaient mal. Maintenant ils vont bien – ou du moins ils le prétendent – et ils s’apprêtent à témoigner de leur basculement dans La Bonne Nouvelle, titre à la fois de l’émission dirigée par le dynamique Patrick et du spectacle de François Bégaudeau et Benoît Lambert. Dans un dispositif en forme de confessionnal collectif et public, les paroles des cinq libéraux repentants composent une comédie ciselée, dont aucune pensée ne sort indemne.

Patrick, Marthe, Jeanne et compagnie sont loin d’être des cas isolés dans le théâtre de Benoît Lambert. Directeur du CDN de Dijon, le metteur en scène déploie en effet depuis son installation en Bourgogne en 1999 un feuilleton théâtral intitulé Pour ou contre un monde meilleur, où puissants et dominés plus ou moins fictifs s’activent pour interroger les imaginaires politiques de notre époque. Et ce dans des formes à chaque fois différentes. Le précédent épisode par exemple, La Devise, est une forme légère qui se joue dans les lycées. Également écrit par François Bégaudeau, il met en scène un homme missionné auprès des jeunes pour redorer l’image d’une République déclinante. Avec La Bonne Nouvelle, le duo -Lambert/Bégaudeau poursuit donc une passionnante réflexion sur la fabrication des discours dominants.

Imaginés d’après le modèle des communistes repentis des lendemains de la chute du Mur de Berlin, les libéraux contrits du spectacle racontent leur conversion sur un mode binaire trop précis pour être vraiment crédible. Après un intermède d’embrassades émues devant des images du western Les Sept Mercenaires, l’éloge du capitalisme de la première partie laisse place à des récits de révélation. Puis à une critique de toutes les idées défendues en amont.

Portée par un jeu subtilement grotesque, cette mutation – ou « changement de métabolisme », selon Jeanne – n’a rien de la leçon de morale qu’on pouvait redouter. La vraie bonne nouvelle annoncée par Lambert et Bégaudeau dans leur fausse émission de télé-réalité, c’est que, malgré l’incertitude d’une alternative valable au modèle capitaliste, le théâtre peut faire exploser les cadres. Et en faire rire.

La Bonne Nouvelle, de François Bégaudeau et Benoît Lambert, 29-30 novembre à l’Espace des arts à Chalon-sur-Saône (71), 7-9 décembre à la Filature à Mulhouse (68), 13-16 décembre au Théâtre de Sartrouville (78), 6-21 janvier à la Commune à Aubervilliers (93)…

Théâtre
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