Les peurs et les frontières

Toujours le même chantage au vote utile : élisez-nous si vous ne voulez pas sombrer dans une longue nuit péno-trumpiste.

Sébastien Fontenelle  • 16 novembre 2016 abonné·es
Les peurs et les frontières
© Photo : CITIZENSIDE / Yann KORBI / AFP

L’on supputait (un peu fermement) qu’il n’y résisterait pas (car on le connaît et le prévoit un peu, depuis le temps), et l’on n’est (certes) pas déçu, puisqu’en effet, sitôt qu’a été connu le nom du nouveau président des Yankees, Jean-Christophe Cambadélis, patron des « socialistes » français, s’est mis à crier, dans un journal ultra-thatchérien [^1], que « le national-populisme plus ou moins xénophobe » a été « le ressort du vote Trump ».

Puis d’ajouter : « C’est une donnée de la situation du monde occidental avec ses peurs, ses hantises du métissage et de la relégation. Il faut avoir cela en tête. La gauche ne peut pas l’affronter de manière fragmentée. La droite, parce qu’elle s’est adaptée sur le plan de l’identité, parce qu’elle a un programme ultralibéral, ne peut pas triompher face aux nationaux-populistes. Elle leur ouvre la porte. Elle abaisse les frontières sur l’identité. Elle crée des frontières avec la gauche car trop libérale. Seule la gauche peut unir le peuple pour battre ce phénomène. C’est à la gauche de relever le gant, c’est pour cela que les gauches doivent se rassembler. »

Sous-entendu : se rassembler derrière le candidat que présentera le Parti « socialiste », et qui devrait être, selon Cambadélis [^2], François Hollande ou Manuel Valls [^3].

Une fois de plus, donc – et selon des modalités qui désormais nous sont, répétons-le, connues et prévisibles –, le gars nous prend pour des demeuré-e-s. Une fois de plus, il arrime son (toujours plus) misérable chantage au vote utile – élisez-nous si vous ne voulez pas sombrer dans une longue nuit péno-trumpiste – dans l’occultation que les déclarations par quoi s’illustrent ces temps-ci [^4] ses champions, loin de constituer une médication susceptible de soigner le chauvinisme qui gangrène effectivement l’époque, le renforcent, au contraire.

Car MM. Hollande et Valls, lorsqu’ils déclarent respectivement qu’« il y a » en France « trop d’immigration qui ne devrait pas être là » ou que la victoire de Donald Trump exprime « le besoin de frontières, le besoin de réguler l’immigration », excitent sciemment – quoique avec peut-être plus de cautèle – les mêmes « peurs » et « hantises » dégueulasses dont l’autre droite nourrit quotidiennement sa propagande, et contre quoi M. Cambadélis, lancé loin dans la papelardise, ose ensuite soutenir qu’ils seraient notre ultime garantie. Comme s’il n’avait décidément pas bien saisi que ces hypocrisies ne prennent plus et que nous ne voulons plus – jamais – d’une « gauche » qui prétend abolir la peur en consolidant les frontières.

[^1] L’Opinion, 13 novembre.

[^2] Si l’on s’en tient du moins à ses récentes déclarations.

[^3] Passons, faute de place – fais-moi penser à te raconter bientôt comment je me bats depuis le Mésolithique pour obtenir ici quelques signes de plus –, sur le foutage de gueule caractérisé qui consiste à suggérer que la droite française serait plus « libérale »que le P« S ».

[^4] Dans le cas de M. Valls, qui, depuis de longues années, déplore qu’on ne trouve pas assez de « Blancs » sur certain marché d’Évry (Essonne) mais se plaint qu’il y ait ailleurs trop de Roms qui « ont vocation à revenir en Roumanie », c’est une manie déjà ancienne.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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