Yannick Jadot : une « nouvelle page » pour l’écologie

Désigné lundi comme candidat d’EELV à la présidentielle, Yannick Jadot entend rassembler autour d’un projet positif.

Pauline Graulle  • 8 novembre 2016 abonné·es
Yannick Jadot : une « nouvelle page » pour l’écologie
© Photo : ALAIN JOCARD / AFP.

Une bise à Cécile Duflot, et Yannick Jadot monte s’installer derrière le petit pupitre. Derrière lui, l’état-major du parti, rassemblé comme un seul homme, applaudit à tout rompre son nouveau candidat pour la présidentielle. Devant lui, une masse compacte de caméras, de micros et de journalistes transpirant sous les projecteurs. En ce soir de résultat de la primaire EELV, l’heure est au rassemblement au QG parisien du parti, dans le Xe arrondissement. Oublié (ou presque) le premier tour de toutes les surprises. Lorsque, dix-neuf jours plus tôt, l’ex-ministre de François Hollande, Cécile Duflot, s’est vue, contre toute attente, sèchement éliminée au profit d’une eurodéputée quasi inconnue du grand public, Michèle Rivasi.

Lundi soir, rue Chaudron, tout le monde est là pour prendre la pose. À la tribune, Michèle Rivasi, bonne perdante, apporte « tout son soutien à Yannick Jadot ». Karima Delli, défaite au premier tour, prend la parole de manière imprévue pour se rabibocher avec son « amie Michèle », qu’elle a lâchée au second tour pour soutenir le vainqueur. Quant à la très attendue Cécile Duflot, elle s’est finalement décidée à faire une apparition brève et silencieuse. Un peu mal à l’aise, c’est sûr, mais elle est là quand même. Comme si la désignation attendue de Yannick Jadot (élu confortablement avec 54,2 % des suffrages, contre 40,7 % pour Michèle Rivasi (1), avec un taux de participation à 81 %), avait rétabli un peu de sérénité dans ce parti miné par les divisions internes et les guerres picrocholines…

« Nous allons construire la campagne comme une aventure collective. Rassembler toutes les familles de l’écologie ! », lance à la tribune le vainqueur de la primaire. L’eurodéputé égrène ensuite une longue liste de priorités programmatiques : de la qualité de l’air à la souffrance au travail, de la maltraitance des animaux aux services publics, de l’alimentation saine aux « choix industriels qui créent de l’emploi », de la fin des inégalités entre les hommes et les femmes à la refonte de l’Europe… « Je veux rassembler autour d’un projet positif, poursuit Yannick Jadot, d’une écologie ni culpabilisante ni punitive, mais bienveillante ». Et de promettre d’ouvrir « une nouvelle page » de l’écologie politique.

Atterrissage réussi. Yannick Jadot, proche de Daniel Cohn-Bendit, joue admirablement son rôle, montrant qu’il saura dépasser les clivages idéologiques et les querelles de personnes. « On ne peut pas vraiment dire que Jadot est de l’aile droite, c’est plus compliqué que ça, décrypte Élise Lowy, animatrice de l’aile gauche du parti. Il a cette capacité à fédérer aussi bien Stéphane Lavignotte [théoricien de l’écologie politique parti rejoindre Jean-Luc Mélenchon, NDLR] que Dany [Cohn-Bendit]. Et il a même fait revenir Pascal Durand ! »

L’ancien secrétaire national du parti, démissionnaire en 2013, a rejoint un peu plus tard dans la soirée ses anciens camarades au zinc du café qui fait l’angle de la rue Chaudron. L’artisan de la campagne de Nicolas Hulot, en 2011, est « très content » de la désignation de Yannick Jadot : « La première bonne nouvelle, c’est que le peuple de l’écologie s’est mobilisé puisque le nombre de votants est supérieur au nombre d’adhérents d’EELV. La deuxième bonne nouvelle, c’est que Yannick a cette capacité de parler au-delà du cercle habituel. » Pascal Durand en est sûr, Yannick Jadot peut renouer avec les syndicats, le monde ouvrier, les classes populaires… Loin de la « vieille politique » qu’incarnait, selon lui, Cécile Duflot, il pourrait rendre à l’écologie son potentiel subversif, révolutionnaire. Dans un contexte d’effondrement de la gauche, c’est le moment où jamais de montrer que l’écologie est la seule alternative qui vaille au capitalisme et au socialisme. « Si, comme Nicolas Hulot, il parle avec son cœur, Yannick aura la capacité de mobiliser des millions de gens », promet Pascal Durand. « Pas sûr qu’il convainque au-delà de l’Île-de-France », tempère un soutien de Michèle Rivasi, pas emballé par le casting.

En attendant, Yannick Jadot l’affirme. Il ira jusqu’au bout. Ni alliance avec le PS – ni avec le frondeur Arnaud Montebourg, pro-nucléaire et pro-aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Ni accord avec Jean-Luc Mélenchon : « Si nous soulignons les progrès de Mélenchon sur l’environnement, nous considérons que sa façon de penser la démocratie, par exemple, ne permet pas de répondre aux enjeux que pose l’écologie », juge-t-il.

Yannick Jadot l’a dit dans l’entre-deux tours des primaires et l’assume aujourd’hui encore : « Personne ne croit sérieusement que les écolos vont gagner l’élection en 2017. » Ce qui lui importe en revanche, c’est de remporter des batailles culturelles. Et puis surtout, les législatives auxquelles il veut présenter 577 candidats écolos (mais pas forcément « labellisés » EELV), ce qui nécessite au préalable de faire un bon score à la présidentielle. Combien vise-t-il ? Reprenant la formule cohn-benditienne, déjà reprise en 2011 par Eva Joly – qui n’avait récolté que 2,31 % des voix au lendemain de l’élection –, il envisage lui aussi « 10 plus x » en mai prochain. « Je veux des victoires aux législatives, aux municipales, à la présidentielle », s’emballe-t-il. Première étape : trouver les 500 signatures, sésames pour la présidentielle. « Ce n’est pas gagné, mais je reste optimiste. »

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