dans l’hebdo N° 1432 Acheter ce numéro
Encore une mauvaise surprise climatique : la concentration atmosphérique en méthane (gaz naturel ou CH4), deuxième gaz à effet de serre par sa contribution au dérèglement (20 %, pour 70 % au CO2), est en train d’exploser. Son accroissement annuel, presque insignifiant de 2000 à 2006, a été multiplié par 10 jusqu’en 2014 et même par 20 depuis, révèle le premier bilan complet des émissions de méthane, réalisé par le programme scientifique international Global Carbon Project. Et les chercheurs en sont réduits aux hypothèses pour expliquer ce phénomène inopiné qui rend obsolète la plupart les scénarios climatiques du Giec. Car le potentiel d’effet de serre du CH4 est 28 fois plus important que celui du CO2.
L’étude montre que les activités humaines sont responsables de 60 % du problème, l’agriculture intensive au premier chef. En cause : l’extension du cheptel mondial de bovins (par la fermentation de leur système digestif) et des rizières en culture inondée (décomposition de végétaux). Mais aussi la fermentation des déchets organiques (compostage contrôlé ou non), dont les volumes grimpent, et les inévitables fuites de CH4 accompagnant l’extraction des énergies fossiles, dont les gaz de schiste. Les énormes quantités de méthane gelé sous les glaces sibériennes deviendraient un jour le cauchemar de la planète en cas de poursuite du réchauffement, mais les émissions actuelles de ces latitudes restent encore marginales. Le dérapage du méthane – largement négligé par les décideurs et même la communauté scientifique [^1], focalisés par le CO2 – déclenchera-t-il une mobilisation à la hauteur ? Un atout politique sur ce front : la durée de résidence dans l’atmosphère d’une molécule de méthane n’excède pas dix ans, contre cent ans pour le CO2. Toute action significative aurait donc un impact à l’échelle d’une mandature ou deux.
[^1] À part quelques experts, dont Benjamin Dessus et Bernard Laponche.
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