Dans l’enfer de la prison de Fresnes
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté accuse le ministère de la Justice de laisser les rats et les punaises envahir la maison d’arrêt de Fresnes.
Un établissement plein à craquer, où certains surveillants débordés ont développé des habitudes violentes. Cela se passe bien en France, à seulement 7 kilomètres de Paris, dans la prison de Fresnes. La deuxième plus grande de France.
La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, a publié ce mercredi des observations accablantes sur le centre pénitentiaire. À l’issue d’une visite effectuée dans cet établissement par douze contrôleurs du 3 au 14 octobre, « un nombre important de dysfonctionnements graves » ont été constatés. La contrôleure générale estime ainsi que « les conditions de vie des personnes détenues constituent un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ».
Des conditions de détention plus que déplorables
Le diagnostic, lors du précédent contrôle de 2012, n’était pas aussi alarmant. Aujourd’hui, la prison a atteint un taux d’occupation de 202 %. Parmi les 2 989 détenus purgeant leur peine, seulement 13 % d’entre eux bénéficient d’une cellule individuelle. À Fresnes, la norme est à deux ou trois détenus s’entassant dans 10m2. « Dans ces cellules, une fois déduite l’emprise des lits (trois lits superposés), des toilettes et de la table, trois personnes doivent alors vivre dans un espace d’à peine 6 m², bien inférieur aux normes fixées par le Comité européen de prévention de la torture (CPT) », rappelle le compte-rendu. Les parloirs sont logés à la même enseigne. Qu’ils soient un ou plusieurs à venir rendre visite à un détenu, les boxes vont de 1,3 à 1,5m2 pour les plus chanceux.
On pourrait alors penser que la promenade est un des seuls moments de dignité pour les détenus… Ils sont en fait jusqu’à 25 dans 45m2, sans bancs ni toilettes. Le rapport dit même que les détenus urinent dans des bouteilles qu’ils jettent ensuite par-dessus les murs.
Si à l’intérieur des bâtiments les rats sont moins visibles, dans les cours de promenades, ils pullulent. « L’odeur persistante de leur pelage, de leurs excréments et de leurs cadavres, s’ajoute à celle des amas d’ordures qui jonchent les pieds des bâtiments », détaille Adeline Hazan. Déjà en octobre dernier, le tribunal administratif de Melun avait condamné l’administration pénitentiaire à prendre des mesures contre les rats à Fresnes.
Sans parler de la prolifération des punaises de lit. Toujours selon le rapport, entre mars et octobre 2016, 281 cas ont été déclarés à l’unité sanitaire, soit 10 % des consultations.
Une « cocotte-minute prête à exploser »
Si la population carcérale a augmenté de plus de 50 % en 10 ans, le nombre de personnels, lui, est resté le même. C’est-à-dire en sous-effectif et composé à 70 % de stagiaires. Un surveillant gère à lui tout seul 120 détenus. Des détenus forcément plus turbulents compte tenu de leur condition de vie. En ce sens, « le respect des droits fondamentaux est structurellement impossible », argue la contrôleure dans son rapport. La fouille intégrale, qui était exception, est devenue règle, et les détenus peuvent passer des heures dans des salles d’attente sans toilette ni eau. Dans un tel climat, les surveillants ont banalisé l’usage de la force. La prison de Fresnes est devenue une véritable « cocotte-minute prête à exploser » selon les syndicats.
En réponse au rapport de Adeline Hazan, le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas a publié une lettre précisant entre autres qu’un programme de rénovation des parloirs est inscrit sur trois ans, de 2017 à 2019 pour un montant prévisionnel de 400 000 euros.
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