Sans issue ?

Dans Le Mort-né, Michel Surya évoque la haine de ses parents.

Christophe Kantcheff  • 21 décembre 2016 abonné·es

Michel Surya s’interpelle à la deuxième personne. « Tu » n’est pas un autre. « Dégoût de toi enfant, dégoût d’eux vieux. » C’est l’incipit du Mort-né, texte ramassé, percutant, disant à quel point la haine que lui portaient les parents a ensemencé de la violence chez le fils. De la violence tournée avant tout vers lui-même. Le Mort-né n’est pas un règlement de comptes comme il s’en publie si couramment pour faire la peau de papa-maman. Ce livre ne dévoile pas les blessures narcissiques ni les névroses laissées en legs. Il va bien au-delà. Ou plus profond. « Tu as cette force : tous ceux qui t’ont nui sont morts. Cette faiblesse : ils forment autour de toi comme autant de fantômes auxquels tu ne sais pas comment échapper. »

L’auteur-narrateur dit les différentes tentatives de fuite. Fuir son nom, fuir la souillure que l’on est à soi-même. Ces vaines tentatives ne produisent que de la honte, de l’humiliation. Dès lors, la mort est désirable : « Tu as rêvé de ta mort comme tu as rêvé de la leur. Jusqu’au jour où tu as compris qu’aimant ta mort tu aimais la mort qu’ils voulaient pour toi. Que tu accomplirais ce qu’ils n’avaient pas eu le temps d’accomplir. » Mais cela s’avère même impossible quand on est réduit à néant.

Dans un texte accolé au Mort-né, Michel Surya parle plus directement d’« Eux », de leur haine qui contamine tout, qui s’impose partout. Sa défense, c’est à l’école qu’il l’a trouvée : le rire. Rire de l’autorité des pères et des maîtres pour s’en prémunir. Il n’a jamais dérogé à cet irrespect au long de sa vie.

La force de ce texte tient aussi à sa forme lapidaire. Il y a quelque chose d’impitoyable dans sa syntaxe foudroyante. L’urgence est de nommer les choses sans aucune once de complaisance qui viendrait ruiner le geste. Le Mort-né est un livre sidérant.

Le Mort-né, Michel Surya, Al Dante, 83 p., 13 euros.

Littérature
Temps de lecture : 2 minutes