Solidaires, les jeunes ? Chiche !
Des jeunes de banlieue parisienne ont utilisé la viralité des réseaux sociaux pour lancer le Grand Défi : aider les plus démunis.
dans l’hebdo N° 1433-1434 Acheter ce numéro
Des montagnes de vêtements, des cartons pleins de conserves et de briques de lait, des paquets de couches et des jouets par dizaines… Il n’y a même plus assez de tables pour déposer tous les dons collectés en à peine quelques heures par la team du Grand Défi, à Sarcelles (Val-d’Oise). Ce dimanche 4 décembre, c’est un peu l’apothéose d’une vague de solidarité qui a pris beaucoup d’ampleur depuis l’automne.
Fin septembre, Malik Diallo a une idée : préparer des repas en grand nombre, les distribuer aux plus démunis et, via les réseaux sociaux, mettre une personne d’un autre quartier au défi de faire mieux. Ce chauffeur-livreur de 27 ans traverse régulièrement le quartier Stalingrad, à Paris, où des centaines de migrants se sont installés. Une nuit, il voit une mère et son enfant dormant à même le sol, et cette scène le bouleverse. « Je me suis dit qu’on devait rapidement faire quelque chose. J’ai contacté mes amis d’enfance du quartier des Vignes blanches, à Sarcelles, et, quelques jours plus tard, nous avons préparé et distribué 150 repas entre Bastille et Stalingrad », raconte-t-il. Il poste la vidéo sur Facebook et nomme le quartier voisin des Sablons. Les habitants répondent à l’appel et préparent à leur tour 300 repas. Cette chaîne de solidarité fait le buzz et « Le Grand Défi » se propage à toute vitesse sur les réseaux sociaux.
Grigny, Pantin, Toulouse, La Rochelle, Montpellier… Des jeunes de toute la France se lancent. « Nous recevons au moins dix propositions de défis par jour ! », lance Maïté, qui s’occupe des réseaux sociaux et du site -Internet. À 23 ans, elle vient de monter sa boîte de communication et a mis ses compétences au service de cette initiative. « C’est la première fois que je m’engage de la sorte, alors c’est une découverte. Mais nous sommes vraiment dans une démarche de solidarité, nous ne voulons pas être des stars et préférons rester discrets », souligne-t-elle, même si les médias se sont emparés du sujet, jusqu’en Espagne.
Si certains travaillent dans l’ombre, d’autres sont sur le terrain, car leur premier défi n’était pas une opération éphémère. Ils continuent les collectes et les maraudes. Mohammed, 28 ans, a immédiatement répondu présent. « Depuis que j’ai un CDI en France, je travaille dans le social. Travailler pour aider les autres, c’est royal, mais ce n’est pas facile tous les jours. Nous admirons les associations, le 115, et maintenant que nous faisons un peu comme eux, on se rend compte du travail énorme qu’ils accomplissent, indique-t-il en pliant et rangeant soigneusement des pulls et des pantalons. Contrairement à ce qu’on peut penser, les jeunes sont très solidaires. »
Le but de ces bénévoles n’est pas de remplacer les associations caritatives connues : une grande partie de la collecte du jour sera donnée à la Croix-Rouge et au Secours catholique. Mais cette solidarité spontanée a sensibilisé d’autres personnes, comme cette dame arrivée de Seine-et-Marne, la voiture pleine de vêtements et de couvertures. Elle raconte à Malik que, dans son village, beaucoup votent Front national et n’ont plus confiance dans les associations traditionnelles.
« La détresse des migrants a été un déclic, mais nous ne faisons aucune distinction. La nourriture et les vêtements que nous collectons sont destinés à tous ceux qui en ont besoin : les migrants, les sans-abri, les étudiants, les personnes âgées qui ne s’en sortent pas avec leur retraite… », tient à préciser Malik. Une démarche naturelle pour cette vingtaine de jeunes qui ont grandi ensemble et veulent combattre à leur manière ce climat d’intolérance qui mine la société.