« Chez nous », une bande dénonce…
Je me méfie comme de la peste de cette espèce bizarre : les « critiques » de bandes-annonces.
dans l’hebdo N° 1435 Acheter ce numéro
Je me souviens qu’un jour lointain quelqu’un m’avait déconseillé Vol au-dessus d’un nid de coucou parce que la bande-annonce n’était « vraiment pas terrible ». J’ai dû remercier ce spectateur avisé de me faire gagner plus de deux heures de mon temps. Et puis, passant outre, je suis tout de même allé le voir… Depuis, je me méfie comme de la peste de cette espèce bizarre : les « critiques » de bandes-annonces. Certains d’entre eux viennent de se distinguer à propos du prochain film de Lucas Belvaux, Chez nous, sur les écrans le 22 février. « Je ne suis pas sûr qu’il fasse beaucoup d’entrées parce qu’il n’a pas l’air objectivement [sic !] extrêmement bon », a affirmé Florian Philippot, qu’Europe 1 n’a eu de cesse d’inviter dès le 1er janvier. Gilbert Collard, en expert, y a vu la marque des « émules de Goebbels ». Tandis que Steeve Briois a immédiatement reconnu dans le personnage interprété par Catherine Jacob, la présidente du Front national. Mais la première serait un « pot à tabac » comparée à la bombe Le Pen.
Puissance du point de vue, sagacité du regard, sophistication de l’argumentaire. Ces gens-là, nostalgiques du beau cinéma à la Riefenstahl, sont d’incontestables spécialistes de la bande-annonce, fabriquant eux-mêmes leurs clips promotionnels aguicheurs pour cacher le long métrage cauchemardesque que promet leur politique. Démocrates revendiqués, ils ont le réflexe qui caractérise les censeurs, celui de juger une œuvre sans la connaître. Adeptes de la vérité, ils prétendent que le cinéma français est « financé par les contribuables », quand il s’agit en réalité d’une redistribution de l’argent prélevé sur les entrées. Mais qu’à cela ne tienne : si la bave leur vient aux lèvres, c’est qu’ils flairent le danger.
J’ai eu la chance de voir Chez nous : un film fort et opportun. Il y est question des méthodes utilisées par un parti d’extrême droite pour présenter des candidats respectables aux élections. Et de ce qui peut décider une infirmière dévouée, interprétée par Émilie Dequenne, à accepter une telle proposition, malgré les récriminations de son père communiste. Lucas Belvaux n’est pas accusateur. Il cherche à comprendre pourquoi cette jeune femme se fourvoie, à dévoiler les illusions et les impostures. Et sa fiction cible juste.
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