Clivage : Le revenu universel ne fait pas l’unanimité
Benoît Hamon a placé cette idée au cœur de son programme mais le constat fait lui-même débat.
dans l’hebdo N° 1437 Acheter ce numéro
C’est l’idée du moment ! Pourquoi ne pas offrir à tout citoyen, sans conditions de ressources, une allocation lui permettant de vivre indépendamment de son travail ? Selon ses promoteurs, un tel « revenu d’existence », « universel » ou « de base », permettrait d’accompagner la « fin du salariat », que les progrès de la robotique (voir la chronique de Geneviève Azam, p. 20) et « l’ubérisation » sont supposés précipiter. Ce constat fait lui-même débat. Le Conseil d’orientation pour l’emploi, organisme rattaché à Matignon, estime dans une étude publiée le 12 janvier que seulement 10 % des emplois sont menacés par la robotique, contredisant des études plus alarmistes. Mais, pour ses défenseurs, le revenu universel serait aussi l’outil d’une redistribution radicale des richesses, sortant les plus démunis de leur dépendance aux minima sociaux et désamorçant le chantage au chômage qui comprime les salaires et pèse sur les conditions de travail.
Benoît Hamon a placé cette idée au cœur de son programme. Il a échafaudé une fusée à trois étages, sans renoncer à la réduction du temps de travail, l’autre idée phare de la gauche pour lutter contre le chômage. Dans un premier temps, il défend une augmentation du RSA à 600 euros mensuels, étendu à tous les 18-25 ans. Ce que la gauche du PS et les mouvements de jeunesse revendiquent de longue date sous le nom d’« allocation d’autonomie ». La seconde étape serait une nouvelle augmentation à 750 euros mensuels à l’horizon 2022. Il prévoit enfin la généralisation du dispositif à tout individu, sans conditions de ressources, à une échéance plus lointaine. Selon ses plans, le coût de la mesure (entre 300 et 450 milliards d’euros, soit 100 à 150 % du budget actuel de l’État) serait couvert par un impôt unique sur le patrimoine, la lutte contre l’évasion fiscale et un impôt sur les robots. Le Parlement européen vient justement d’adopter, le 12 janvier, en commission juridique, un rapport de l’eurodéputée Mady Delvaux préconisant la création de cette « taxe robot » à l’échelle européenne, pour financer un revenu d’existence.
Hormis Jean-Luc Bennahmias, qui défend une version similaire du revenu de base sans la détailler avec précision, c’est étrangement Manuel Valls qui formule la proposition la plus proche de celle de Benoît Hamon, bien qu’il use d’une rhétorique différente en dénonçant la « société de l’assistanat et du farniente » qu’esquisserait, selon lui, le revenu universel. L’ancien Premier ministre propose un « revenu minimum décent », fusionnant les dix minima sociaux pour les attribuer sous conditions de ressources dès 18 ans. Cette idée était formulée en octobre dans un rapport du député socialiste Christophe Sirugue, en novembre par le think tank Terra Nova, ou encore par François Fillon, candidat LR à la présidentielle. Manuel Valls était plus ambitieux en septembre 2015, lorsqu’il défendait, dans une tribune publiée sur Facebook, la même idée, mais généralisée cette fois à tous les jeunes, sans conditions de ressources. En somme, ce que propose Benoît Hamon.
Manuel Valls n’est pas le seul à avoir fait machine arrière sur cette idée. Arnaud Montebourg juge aujourd’hui la mesure « infaisable » et bien trop coûteuse. Il défendait pourtant en 2012 l’idée d’un « capital d’existence », mais dit avoir « sincèrement » changé d’avis à la suite de son expérience au gouvernement. L’idée est également -critiquée par de nombreux économistes de gauche (l’OFCE ou l’association Attac, notamment), qui craignent qu’elle ne serve de prétexte aux néolibéraux pour déréguler plus avant le marché du travail.
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