En mémoire de Ken Saro-Wiwa
« L’Afrique en solo », l’émission de Soro Solo sur France Inter, était consacrée le 14 janvier au militant nigérian assassiné en 1995.
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Si vous errez le samedi soir sur les ondes de votre poste de radio, arrêtez-vous, à 22 heures, sur France Inter. C’est le moment d’écouter – mais le postcast, c’est bien aussi – « L’Afrique en solo », l’émission de Soro Solo, qui « raconte les Afriques en musique ». Il y est question de « société, cultures, tradition, modernité, légendes… » Pour moi qui ne suis pas très familier du continent africain, c’est souvent l’occasion de découvertes.
Ce 14 janvier, il ne fut pas question d’un total inconnu, surtout pour qui s’intéresse aux luttes postcoloniales au Nigeria. Mais l’homme de courage évoqué, militant magnifique et pacifique, sans doute parce qu’il appartient au monde de l’Afrique anglophone, n’a pas chez nous la renommée qu’il mérite. Ken Saro-Wiwa est né en 1941 au sein d’une ethnie, minoritaire, parmi les 250 que compte la Fédération nigériane : les Ogonis. Ceux-ci vivent dans le sud-est du pays, particulièrement riche en gisements de pétrole et de gaz, exploités par la multinationale Shell.
Écrivain talentueux, auteur d’une série télévisée à succès, Ken Saro-Wiwa, par son charisme, s’est vite retrouvé porte-parole de son peuple, sans jamais tomber dans le communautarisme. Deux axes à son combat : obtenir une meilleure répartition des revenus pétrolifères pour les Ogonis, et surtout dénoncer les dévastations sur l’environnement qui leur interdisaient de poursuivre l’activité qui les faisait vivre : la pêche. Ce sont ainsi plusieurs dizaines de milliers d’Ogonis qui ont dû s’exiler dans les décennies 1980 et 1990, victimes également d’exactions du gouvernement central, mené d’une main de fer par un dictateur : le général Abacha.
Dans son émission, Soro Solo avait invité un journaliste, Benjamin Bibas, spécialiste de l’Afrique, qui donnera une conférence sur Ken Saro-Wiwa, ce samedi 21 janvier, dans le XXe arrondissement de Paris, au centre culturel qui porte son nom, 63, rue de Buzenval. Benjamin Bibas a insisté sur la dimension pionnière de Ken Saro-Wiwa, liant la cause écologiste à la lutte pour les droits de l’homme. Inutile de dire que celui-ci eut fort à faire face aux intérêts communs entre Shell et le pouvoir autoritaire et corrompu. On ne s’étonnera guère, hélas, de la fin qu’a connue cet homme intègre : en 1995, avec huit de ses camarades de lutte, il fut pendu après une parodie de procès.
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