Frais bancaires : Le Bourget, c’est fini !

Il est urgent de créer un véritable service public bancaire.

Liêm Hoang-Ngoc  • 5 janvier 2017 abonné·es
Frais bancaires : Le Bourget, c’est fini !
© PHILIPPE HUGUEN / AFP

Il était une fois un président normal, qui fit mine de déclarer la guerre à un adversaire ancestral, le monde de la finance. Pendant son court règne, il méprisa la complainte des gens normaux, victimes, entre autres « gabelles », de la hausse des frais bancaires. Il fut contraint d’abdiquer prématurément. Le taux de profit des banques françaises avait alors retrouvé son niveau d’avant la crise. Ces banques universelles, que son prédécesseur avait grassement recapitalisées, avaient repris leurs affaires en se couvrant sur les dépôts non rémunérés des sujets. Ces dépôts étaient même source de profits, tant ils étaient taxés par une batterie de frais et de commissions qui ne sont toujours pas sévèrement encadrés. Pas plus que ne l’est la titrisation (actuellement débattue au Parlement européen), à l’origine de la crise.

En ce début d’année 2017, les frais de tenue de compte augmenteront en moyenne de 13 %. Ceux de BNP-Paribas, en hausse de 41 %, atteindront 25 euros par an. La taxation de plus de cinq retraits hors banque du titulaire du compte subira une hausse de 4,5 %. Alors que l’endettement des ménages explose et que les banques se financent auprès de la BCE à taux nul, les taux d’intérêt appliqués aux découverts autorisés sont devenus exorbitants : 12 % à la Caisse d’épargne, 14 % à La Poste, 16 % à la BNP. Les taux hors découverts autorisés sont en moyenne de 19 %. Alors que nombre d’opérations sont informatisées, les commissions d’intervention subsistent. Le cas de la Banque postale est particulièrement scandaleux. Parce que l’argent est un bien public, celle-ci assure en principe une mission de service public qui consiste à ouvrir à chaque citoyen un compte sans lequel son salaire ne saurait être versé, et donc à mettre à sa disposition les moyens de paiement nécessaires. La Banque postale recevra 225 millions d’euros de l’État en 2017 pour gérer les opérations du livret A. Or, ses frais de tenue de compte augmenteront de 100 %, soit 12 euros par an !

Pour justifier ces augmentations, les banques accusent la BCE de mener, pour lutter contre la déflation, une politique de bas taux la conduisant, de surcroît, à fixer un taux négatif pour les dépôts des banques commerciales auprès d’elle. Mais nos banquiers omettent de préciser que, dans le cadre de sa politique non conventionnelle, la BCE les a grassement arrosées de liquidités, en « élargissant les critères d’éligibilité » des actifs pris en pension… Autrement dit, la BCE s’est transformée en « bad bank », c’est-à-dire une caisse de défaisance permettant aux banques de se délester des titres plus ou moins toxiques qu’elles détiennent encore, et ce contre de l’argent frais…

Il est temps de réviser la réglementation bancaire et de séparer les activités de dépôt et d’affaire pour créer de véritables établissements de détail finançant les ménages et les entreprises dans l’économie réelle. Il est urgent de créer un véritable service public bancaire. Il est aussi souhaitable d’étendre le pôle public financier, limité à la BPI, ou que l’État entre au capital de certaines des banques afin de mettre en place le financement de la planification écologique. Tels sont les chantiers auxquels un nouveau président, insoumis au monde de la finance, devra s’atteler.

Liêm Hoang-NgocMaître de conférences à l’université de Paris-I

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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