On ne va surtout pas s’énerver
La prose de Sylvain Tesson induit que Plenel, Todd et Roy, au dernier siècle, auraient applaudi à l’essor hitlérien.
dans l’hebdo N° 1435 Acheter ce numéro
Dans l’hebdomadaire thatchériste [^1] Le Point, un certain Sylvain Tesson [^2], qui aime raconter qu’il sait des choses [^3], écrit : « Alors que les nazis du NSDAP remportent leurs premiers succès électoraux en 1930, [Stefan] Zweig applaudit à ce qu’il prend pour un réveil. »
Puis il ajoute que Zweig « trouve le moyen de considérer favorablement les scores des nationaux-socialistes et de se féliciter de cette “révolte de la jeunesse, révolte peut-être pas très habile mais finalement naturelle et tout à fait à encourager – contre la lenteur et l’indécision de la haute politique” ».
Puis il expectore ce commentaire : « On croirait lire les errements d’un de ces islamo-gauchistes d’aujourd’hui, qui (le génie en moins et la haine de soi en plus), quatre-vingts ans après Zweig, trouvent quelque légitimité à l’ardeur des fanatiques islamiques, s’enthousiasment pour le parti de l’islam, confondent la haine avec l’ardeur, la pulsion de mort avec l’énergie vitale et justifient les dévoiements des jihadistes par les effets de l’injustice sociale. »
Puis Tesson ajoute qu’après que Zweig s’était donc réjoui des « premiers succès électoraux » des nazis, Klaus Mann l’avait « malmené dans une lettre ». Et de conclure : « Ah, quelle lettre Klaus Mann enverrait-il aujourd’hui à MM. Plenel, Todd et Roy ! »
Si les mots ont un sens, cette prose infecte induit assez nettement – sans vraiment l’exprimer, mais il est bien connu que la malveillance est souvent cauteleuse – qu’Edwy Plenel, Emmanuel Todd et Olivier Roy [^4] auraient, au dernier siècle, applaudi à l’essor de la haine hitlérienne.
Et s’il se dit qu’à cette époque d’autres Allemand(e)s (liste non exhaustive) que Klaus Mann se sont ému(e)s aussi de ce que les nazis pratiquent, sur une assez large échelle, et parmi tant d’autres violences, la calomnie et l’insulte, on se gardera, il va de soi, de s’interroger ici sur ce que leur aurait inspiré le bavardage de Sylvain Tesson.
Car, après tout, la vilenie n’est d’aucune époque.
Puis je m’étais promis de ne – surtout – pas m’énerver : bonne année, tout le monde.
[^1] Mais lourdement subventionné par l’État, parce que bon : c’est pas parce qu’on hurle (presque) toutes les semaines qu’il convient de réduire la dépense publique en diminuant les aides aux gueux qu’on cesse pour autant de se gaver aux frais du contribuable.
[^2] Fils du non moins droitier Philippe Tesson, qui sévit dans la même publication – où les collaborations, par conséquent, sont certaines fois dynastiques.
[^3] Un cuistre, dit mon dico, est un « homme pédant, ridicule et vaniteux de son savoir ». Je ne sais pas pourquoi : je pense irrésistiblement à ce mot à chaque fois que je lis certaines pages du Point.
[^4] Qui, dans la vraie vie, n’ont bien sûr jamais trouvé la moindre « justification » aux barbaries des jihadistes, mais qui ont fait à monsieur Tesson – qui se dispense évidemment d’étayer ses accusations – l’affront, personnel semble-t-il, de réfléchir par eux-mêmes.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.