Primaires : sincérités successives, hégémonies culturelles circonstancielles…
Les primaires, qu’elles soient organisées par la droite ou le PS, ne produisent que des états de grâce éphémères reposant sur des malentendus.
En politique, où les promesses n’engagent que ceux qui veulent bien y croire, il existe couramment des sincérités successives contradictoires. Elles s’alignent sur des hégémonies culturelles circonstancielles, à géométrie variable. À cet égard, les primaires constituent un révélateur impitoyable.
Francis Daspe est co-auteur du livre Le vol des mots, le voile des mots (éditions du Croquant, novembre 2016). Il est membre de l’AGAUREPS-Prométhée (Association pour la gauche républicaine et sociale – Prométhée) et président de la Commission nationale Education du Parti de gauche.
À la primaire du Parti socialiste, les données diffèrent peu. Ou de manière symétrique. Il s’agira d’être (encore) de gauche. Mais mollement, pour deux raisons majeures. Il ne faut pas effrayer les possédants (que l’on se souvienne de François Hollande venant s’amender devant la City de Londres en déclarant « I am not dangerous » après son discours du Bourget où il avait identifié la finance comme son ennemie) ; il convient de ne pas obérer les conditions du futur rassemblement derrière le vainqueur à l’issue de ce qui n’aura été qu’un théâtre d’ombres. La distorsion est réelle. L’hégémonie culturelle du peuple de gauche reste sensible au discours marqué par un attachement aux services publics et à la sécurité sociale. Celle de l’appareil du PS est devenue fondamentalement sociale-libérale, animée par l’impératif de préserver ses petites rentes dans une logique d’appartenance à une caste de nantis. Pour le coup, donnons raison à Manuel Valls : il existe bien deux gauches irréconciliables. Mais Martine Aubry est également dans le vrai : c’est qu’une des deux n’est tout bonnement plus de gauche. Au pouvoir, des mauvais coups seraient de manière identique à attendre, en raison d’une conversion de classe effectuée par conviction. Et ceci dans la logique du quinquennat finissant de François Hollande, entre cadeaux aux entreprises, loi Travail et répression de l’action syndicale.
Les primaires ne produisent que des états de grâce éphémères reposant sur des malentendus. Ils conduisent les candidats à emprunter un même chemin : exagération pour sortir de la primaire, rétropédalage pour lisser son image, dissimulation pour gagner l’élection, passage en force une fois au pouvoir en tirant profit du caractère monarchique de la Ve République qui permet de congédier le peuple. Le malentendu permanent s’incarne bien dans le rapport au peuple. Un peuple que La France Insoumise et son candidat Jean-Luc Mélenchon travaillent à fédérer et à mettre en mouvement. Avec un programme « L’avenir en commun » s’articulant autour d’une hégémonie culturelle structurante qui récuse la notion de sincérités successives.
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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