« Vivere », de Judith Abitbol : L’évidence d’un sentiment
Dans Vivere, documentaire intimiste, Judith Abitbol montre l’amour qui unit une mère, saisie par la maladie, et sa fille.
dans l’hebdo N° 1437 Acheter ce numéro
Elles se prennent dans les bras, s’embrassent, se caressent les mains ou le visage. Elles s’engouffrent dans la même blouse parce que celle-ci est bien trop grande pour la mère. Paola est la fille d’Ede Bartolozzi, qui a vécu toute son existence dans son village natal, en Italie. Paola parcourt le monde pour son travail, mais elle vient le plus fréquemment possible rendre visite à sa mère. L’amour entre elles est immédiatement visible, sans être ostentatoire. C’est cet amour que la caméra de la cinéaste Judith Abitbol ne cessera de capter tout au long de ce documentaire très intimiste, ce qu’elle a fait de 2001 à 2009, année de la disparition de la vieille femme.
Vivere : le titre pourrait paraître volontariste quand on découvre la maladie dont est atteinte Ede : Alzheimer. Mais le film n’a rien d’une chronique des avancées du mal. Même si, bien sûr, celui-ci fait son œuvre. Ede commence à avoir des difficultés pour parler avant de ne plus se souvenir du nom des choses – d’où les exercices qu’elle effectue avec sa fille dans un livre pour enfants ; elle ressasse le refrain d’une chanson traditionnelle dès qu’on l’interroge ; elle est encline à aller vers des inconnus pour leur poser une main sur le visage, etc.
Mais Ede, devant la caméra de Judith Abitbol, n’est pas avant tout perçue comme une malade. Elle est d’abord une femme douce et simple, qui goûte le plaisir de se réchauffer grâce à un rayon de soleil ou celui de confectionner toutes les formes de pâtes. Elle vit paisiblement dans son quartier composé de petites maisons avec jardin, entourée de bienveillantes voisines aussi âgées qu’elle. La cinéaste évoque dans le dossier de presse « une vie minuscule », en référence au livre de Pierre Michon, ce qui est juste. Mais Vivere donne à Ede une présence majuscule. Parce que le film nous permet de voir en elle sa profonde humanité, et tout l’amour qui émane d’elle.
Le lien que Paola et Ede entretiennent est inconditionnel et indéfectible. Si la seconde se noie peu à peu dans la maladie, si elle s’efface progressivement du monde, ce qui les unit ne semble pouvoir s’éteindre. Bien sûr, le chagrin de Paola est insondable – elle ne parvient pas toujours à retenir ses pleurs, comme le montrent quelques scènes, jamais impudiques. Car, en définitive, rien n’est plus fort que la mort. Mais le sentiment perdure. Et cette œuvre d’amour réalisée dans leur vie par une mère et sa fille, Judith Abitbol nous l’offre en partage.
Vivere, Judith Abitbol, 1 h 49.