Bayrou s’allie au candidat des « forces de l’argent »
Le président du MoDem fait une « offre d’alliance » à Emmanuel Macron pour conjurer la « flambée de l’extrême droite ». Il était auparavant très critique sur cette candidature portée par « de très grands intérêts, financiers et autres ».
Le soutien apporté par François Bayrou à Emmanuel Macron n’est pas la moindre surprise de cette campagne présidentielle hors normes. Derrière la candidature de l’ancien ministre de l’Économie, le président du MoDem avait dit percevoir « une tentative [de] plusieurs grands intérêts financiers et autres (…) qui veulent avoir le pouvoir politique ». « On a déjà essayé en 2007 avec Nicolas Sarkozy (…). Et ce sont les mêmes forces qui veulent réussir avec Macron ce qu’elles ont raté avec Strauss-Kahn », déclarait-il le 7 septembre sur BFMTV en affirmant vouloir faire barrage « aux puissances de l’argent ».
« Sa candidature pose problème », jugeait-il encore le 12 février, dans l’émission « Dimanche politique » sur France Info, non sans demander à ce qu’Emmanuel Macron publie la liste de ses donateurs. « Je veux bien m’intéresser à ce que Macron dit mais rien ne se passe », déclarait-il encore le même jour.
Pourquoi un tel retournement ?
Le président du MoDem, qui avait rêvé d’une candidature d’Alain Juppé, a rappelé lors de sa conférence de presse qu’il ne pouvait se rallier à François Fillon, dont il a toujours jugé le programme « dangereux », en raison des affaires qui révèlent « l’existence de privilèges et de dérives » et de « l’acceptation tacite, presque unanime, de ces abus ».
Général sans troupes, il ne pouvait raisonnablement envisager de se lancer dans une campagne qui ne soit pas de pur témoignage.
C’est donc en invoquant le « danger majeur et immédiat » représenté par l’extrême droite de Marine Le Pen, un danger qui peut conduire les électeurs à « choisir l’échec de la France et la déchirure, peut-être définitive, de l’Europe », que le maire de Pau a annoncé son intention de se ranger derrière Emmanuel Macron. Comme il fallait bien y mettre les formes, François Bayrou a présenté son soutien comme « une offre d’alliance » conditionnée à quatre « exigences, qui sont toutes d’intérêt général » : « une véritable alternance » ; l’inscription dans le programme de M. Macron d’« une loi de moralisation de la vie publique, en particulier de lutte déterminée contre les conflits d’intérêts » – maigre barrage opposé aux « forces de l’argent » qu’il avait lui-même identifiées derrière celui qui est désormais « son » candidat – ; résister à « la pente universelle qui cherche sans cesse à réduire la rémunération du travail » ; respect du pluralisme au sein de notre vie publique et du Parlement.
Gageons que François Bayrou aura surtout été séduit par la perspective de faire « turbuler le système », comme disait Jean-Pierre Chevènement en 2002. « Peut-être enfin le projet de dépassement des clivages que j’ai porté depuis quinze ans est-il à portée de la main », a-t-il lancé. Ce rêve « dégagiste » centriste vaut bien, à ses yeux, de passer un pacte avec un candidat qui incarne, disait-il le 2 février sur TF1, « l’hypercapitalisme qui domine le monde ».
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