L’islamophobie, bien sûr
L’islamophobie n’est pas du tout un racisme, voyons, que vas-tu imaginer là ?
dans l’hebdo N° 1441 Acheter ce numéro
Le publiciste Pascal Bruckner vient de faire un livre, paru chez Grasset [1], pour dénoncer, c’est son titre, « un racisme imaginaire » : l’islamophobie, bien sûr.
Son propos, tout en hardiesse et nouveauté [2], se résume comme suit : « Depuis trente-cinq ans, le terme d’“islamophobie” anéantit toute parole critique envers l’islam. Il a pour double finalité de bâillonner les Occidentaux et de disqualifier les musulmans réformateurs. »
Jusque-là, tout va bien, on a déjà lu ça mille fois, on est en territoire connu de la République : le gars veut, comme d’hab, nous faire gober que ce que « les islamogauchistes » sédimenté(e)s dans la bien-pensance appellent « l’islamophobie » n’est pas du tout « un racisme » – qui, par exemple, essentialiserait les musulman(e)s –, mais bien plutôt la critique raisonnée, et tout aussi légitime que celle des autres monothéismes, de la religion mahométane.
Très bien : on lit ça, on est content(e)s, et presque rassuré( e)s, parce qu’en vrai, nous, on ne demande qu’à le croire, après tout, Pascal Bruckner, quand il assure qu’il n’a rien de particulier contre ces gens – on est de gauche, tu te rappelles ?
Mais voilà qu’au détour d’une des innombrables interviews que lui vaut partout la ridicule assertion que la critique de l’islam serait partout censurée, le mec lâche [3] cette hallucinante – je pèse l’adjectif, et le trouve soudain un peu léger – considération, qui n’incommode aucunement le très serviable journaliste [4] qui la recueille, et qui vaut, pour être pleinement saisie, d’être lue à haute et intelligible voix : « Dire que le musulman d’aujourd’hui est dans la situation du juif des années 1930, c’est méconnaître que les juifs d’alors n’avaient pas pour ambition de mettre le monde à feu et à sang, ne jetaient pas des bombes dans les centres commerciaux, les gares, les aéroports. »
La place me manque ici – malheureusement – pour envisager tout ce qui sous-tend cette misérable [5] saillie. Mais si les mots ont un sens, ceux-là signifient que dans l’esprit de Pascal Bruckner les musulman(e)s d’aujourd’hui – et non les seuls jihadistes, dont les attaques tuent, comme on sait, principalement des mahométan(e)s –, à la différence, donc, des juifs des années 1930, auraient pour ambition de mettre le monde à feu et à sang, et jetteraient des bombes dans les centres commerciaux, les gares, les aéroports.
Répète après moi : l’islamophobie n’est pas du tout un racisme, voyons, que vas-tu te raconter là ? Mais le droit élémentaire de procéder à la fine critique d’une religion – en vomissant, toute décence bue, que ses pratiquant(e)s se reconnaissent à leur projet homicide.
[1] Où se publient aussi les œuvres d’autres élevé-e-s savant-e-s, comme Caroline Fourest ou Philippe Val.
[2] Non, je rigole.
[3] Dans L’Express, n° 3423, du 8 février.
[4] Alexis Lacroix – lui-même auteur, il y a quelques années, d’un consternant bouquin soutenant que « l’antisémitisme redev[enait] de gauche ».
[5] Disons comme ça pour ne pas sombrer dans la grossièreté.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.