Piketty enterre le revenu universel
La montagne socialiste a, une nouvelle fois, accouché d’une souris !
dans l’hebdo N° 1442 Acheter ce numéro
L****a baudruche du revenu universel de Benoît Hamon s’est dégonflée. Le remède miracle du candidat du PS, séduit par la thèse fumeuse de la fin du travail, consistait initialement à verser un revenu de base de 600 euros à tous. Aussi coûteuse qu’inapte à lutter contre la pauvreté, sa proposition s’est d’emblée heurtée au scepticisme du monde du travail, qu’il prétend mobiliser. Parce qu’il remet en cause la centralité du travail, le revenu universel représente une menace pour le modèle social défendu par les syndicats.
Conçu par le Conseil national de la résistance (CNR), ce modèle confie aux salariés la gestion de la part socialisée du salaire (cotisations et prestations sociales) rémunérant leur force de travail, perçue comme l’unique source de création de richesses. Illustrant cette antinomie, le scénario de revenu universel privilégié par la Fondation Jean-Jaurès (voir notre chronique dans Politis du 10 novembre 2016) prévoyait ainsi de basculer les ressources de la Sécurité sociale vers le financement du revenu de base. Celui-ci se substituerait aux allocations-chômage, aux pensions du régime de retraite et devait permettre de couvrir les « petits risques » maladie. L’élimination des « charges » sociales tant souhaitée par les libéraux en eût été le corollaire. Tenant compte de ces craintes, nos promoteurs du revenu de base crient désormais haut et fort qu’il n’a jamais été question de détricoter la Sécurité sociale. Les 600 euros pour tous seraient financés par une révolution fiscale devant lever près de 400 milliards, soit une dépense équivalente au budget de l’État, auquel elle viendrait s’additionner ! Cet accroissement de 20 points de PIB des prélèvements obligatoires s’avérant irréaliste, Hamon s’exposait inévitablement au couperet d’un procès en incompétence.
Thomas Piketty et ses amis furent donc appelés à son secours. Dans Le Monde du 24 janvier, ils rectifièrent le tir, allant jusqu’à renier la promesse initiale de leur impétrant : « Certains voudraient évacuer le débat en évoquant un coût pharaonique de 300 ou 400 milliards d’euros. Mais ce chiffrage fantaisiste n’a absolument aucun sens. Benoît Hamon n’a jamais dit qu’il allait verser 600 euros par mois à 50 millions d’adultes. Au contraire : il a explicitement évoqué le fait que le nouveau système pourrait être sous conditions de ressources et concernerait uniquement les salaires inférieurs à 2 000 euros, avec des montants qui ne seraient évidemment pas les mêmes pour tous. »
Le revenu de base d’Hamon n’est désormais plus un revenu universel. Il se réduit à une maigre revalorisation du RSA, dont l’accès serait toutefois étendu aux jeunes. La montagne socialiste a, une nouvelle fois, accouché d’une souris ! Pour un coût dix fois moindre à celui de l’usine à gaz initiale, il serait pourtant parfaitement possible de lutter contre l’extrême précarité en portant les minima sociaux au niveau du seuil de pauvreté (1 000 euros), en revalorisant le Smic de 200 euros et en améliorant l’indemnisation des chômeurs. Malheureusement, ces solutions sont inconcevables pour les tenants de la politique de l’offre, que Hamon doit « rassembler » au sein du PS. Seuls des insoumis oseraient faire ça…
Liêm Hoang-Ngoc Maître de conférences à l’université Paris-I
Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.