François Ruffin : À Amiens, le patron, c’est lui !

François Ruffin peut compter sur une bonne bande pour faire campagne à ses côtés. Dont Fifi, Flo et Happy. Reportage.

Pauline Graulle  • 22 mars 2017 abonné·es
François Ruffin : À Amiens, le patron, c’est lui !
© photo : Nicolas Portnoi

Un utilitaire brinquebalant au coffre rempli d’affiches. Ce matin, c’est collage pour Fifi et Flo. Lui, queue-de-cheval, lunettes sur le nez et inaltérable bonne humeur. Elle, minuscule bonne femme, avec l’air de ceux qui en ont vu d’autres. L’équipée compte aussi Happy – « comme la chanson », précise Flo –, le bichon maltais laineux qui préfère les virées en famille à la solitude domestique. Et puis Florian, trentenaire passé par le coaching et les boîtes capitalistes, et qui a tout lâché pour traverser la France en combi Volkswagen. Jusqu’à Amiens, donc, où il fait étape pour prêter main-forte à François Ruffin. « François, il est comme ça : si on a envie de venir l’aider, on vient », commente Fifi.

À quoi ressemble la campagne aux législatives du réalisateur de Merci patron ! ? Ceux qui ont aimé le film ne seront pas déçus. L’ambiance est là : bon enfant, familiale. Tout est de bric et de broc, mais tout roule. Même le vieux camion à pizzas où on ne fait pas de pizzas mais des fouaces (spécialité ligérienne) et des crêpes qu’on offre sur les parkings lors des mobilisations, pour enclencher une conversation autour des législatives. Pour l’instant, ça marche : la notoriété locale de Ruffin et sa fidélité absolue au monde ouvrier portent leurs fruits. Pas moins de 600 curieux se sont rendus à la première réunion publique à Flixecourt, petite ville gangrenée par le FN, mi-février. Quelques jours plus tard, le César du meilleur documentaire a encore galvanisé les troupes.

Fifi au volant, direction les quartiers nord d’Amiens. Devant le collège, des jeunes prennent leur pause de midi. Autour de la dalle centrale, les scooters vrombissent sous le soleil. Bienvenue au Pigeonnier, le quartier « chaud » de la ville. Happy se roule dans l’herbe clairsemée pendant que Flo et Florian, tee-shirt « Picardie debout » enfilé sur le pull-over, recouvrent les panneaux d’affichage sous le regard indifférent des hommes qui discutent sur les bancs. Ruffin, ici, on sait qui c’est. Le journaliste a écrit un livre d’enquête (1) sur les quartiers nord et ne s’est pas fait que des amis. Tant pis, le Pigeonnier ne fait de toute façon pas partie des six territoires identifiés sur la circonscription que l’équipe de campagne doit travailler en profondeur…

À la sortie du quartier, Fifi, syndicaliste CGT à la retraite, montre le bâtiment qui abritait l’ancien CHU. Fermé pour être privatisé. Le sexagénaire hausse les épaules. Le CHU, c’est un bout de sa vie d’avant, quand il travaillait dans l’imagerie médicale. Fini l’ancien monde. Les services publics désertent et les zones commerciales poussent à la place.

Une voie rapide plus loin, la zone nord s’étend à perte de vue. Les usines côtoient le site fantôme de Goodyear. Devant les grilles, Fifi raconte avec un sourire espiègle les sept années de combat au côté des camarades, à faire cramer des pneus ou à porter les actions en justice. Peu ont retrouvé du boulot, sinon en auto-entrepreneurs… Mais pas le temps de trop en dire, il faut recouvrir les affiches de François Asselineau, le candidat à la présidentielle. « En fait, je trouve que François Ruffin, c’est le plus présidentiel des candidats aux législatives », observe Florian.

Retour au QG de campagne. Facile à identifier : dans cette rue de brique rouge s’échappe un panneau avec la tête de François Ruffin. À l’intérieur, ce qui ressemble à une petite bande d’amis s’emploie à fignoler le programme à venir ou à gérer les 17 000 amis sur Facebook. Sur une étagère, des affiches et des auto-collants à l’effigie de Lafleur, ce personnage du théâtre de marionnettes amiénois qui « botte le cul des puissants » et que François Ruffin a remis au goût du jour, comme un double de lui-même.

Une campagne de terrain. Voilà ce qui fait vibrer « Ruffin-Lafleur ». Ça le réveille la nuit. Comment mobiliser 500 personnes sur la circonscription pour réaliser les 20 000 heures de porte-à-porte qu’il juge nécessaires d’ici au 11 juin ? Dans Merci patron !, Ruffin fait passer les Klur, ce couple de chômeurs vieillissants, de témoins passifs à acteurs de leur destin, capables de rouler le milliardaire Bernard Arnault dans la farine. Le candidat s’est donné la même mission, à plus grande échelle : il veut « réveiller un peuple en convalescence ». Lui rendre du pouvoir sur lui-même. Les Canadiens appellent cela l’« empowerment ». Ruffin parle de « mise en mouvement ».

Et là-dessus, au moins, il se fait confiance. « J’ai du pif, je sais réveiller l’orgueil des gens. Mais ce qui me manque, dit-il, ce sont les espaces de discussion. Une fois que je les ai, je sais que je n’aurai aucun problème à convaincre quelqu’un qui veut voter FN de voter pour moi. » D’où l’idée de créer une équipe de foot de campagne qui joue régulièrement avec les clubs locaux, histoire de prendre un micro, à peine les crampons raccrochés. D’où l’idée, aussi, des projections à domicile de Merci patron !, finalement le meilleur vade-mecum de campagne qui soit.

Politique
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