Haro sur les chômeurs !

Fillon et Macron n’ont rien d’autre à offrir qu’un accroissement des sanctions.

Sabina Issehnane  • 29 mars 2017 abonnés
Haro sur les chômeurs !
© photo : PHILIPPE HUGUEN / AFP

François Fillon a déclaré souhaiter la mise en place d’une allocation permettant aux chômeurs qui retravaillent de ne pas « perdre le bénéfice de [leurs] aides », de sorte à les inciter à reprendre un emploi. Ce mythe de l’existence d’une « trappe à chômage » a la vie dure. Comme si le travail ne représentait qu’une rémunération… Comment, alors, expliquer que les études menées sur les bénéficiaires de prestations sociales montrent que nombre d’entre eux reprennent un emploi même si celui-ci n’améliore pas leur situation financière ?

Pourtant, il existe déjà des possibilités de cumuler des prestations sociales avec des revenus d’activité. L’indemnisation du chômage rend possible ce cumul de manière dérogatoire (dispositif « activité réduite ») depuis le début des années 1960. Il a été étendu au début des années 1980 avec la forte croissance des formes particulières d’emploi. Depuis, les règles permettant ce cumul se sont encore assouplies. La majorité des allocataires de l’assurance chômage ont ainsi exercé au moins une fois une activité réduite. Et les demandeurs d’emploi qui sont dans ce cas sont ceux qui ont le plus augmenté depuis le milieu des années 1990 : leur nombre a été multiplié par trois. Pour ceux qui sont exclus du système d’indemnisation du chômage (la moitié des demandeurs d’emploi), il reste pour certains la possibilité d’un cumul avec la prime d’activité. Laquelle a remplacé le RSA activité, même si force est de constater que plus des deux tiers des personnes éligibles à cette prestation n’en ont pas bénéficié. Tous ces dispositifs s’appuient sur l’idée contestable que les prestations sociales décourageraient la reprise d’un emploi. Il faudrait alors inciter financièrement les personnes privées d’emploi à reprendre une activité, même à temps réduit ou faiblement rémunérée. Dans la réalité, ce cumul permet le plus souvent aux bénéficiaires de subvenir à leurs besoins primaires.

Le rapport de Jacqueline Farache [1] montre à quel point le passage par la case chômage entraîne de multiples souffrances pour les individus et leur famille. Car, ce que souhaitent les chômeurs, ce n’est rien d’autre qu’un emploi stable qui leur permette de vivre décemment ! Or, les candidats Fillon et Macron n’ont rien d’autre à leur offrir qu’un accroissement des sanctions, les considérant comme responsables de leur situation, occultant la conjoncture. François Fillon va jusqu’à réclamer la dégressivité des allocations, comme si cette mesure n’avait jamais existé, et sans résultats probants. Elle a déjà été appliquée de 1992 à 2001, avec des conséquences désastreuses en termes de couverture santé des demandeurs d’emploi et d’augmentation de la pauvreté.

Pire, au lendemain de la négociation sur l’assurance chômage, le patronat vient d’obtenir une nouvelle victoire : l’âge à partir duquel les seniors pouvaient obtenir une indemnisation allant jusqu’à 36 mois sera repoussé. Pourtant, les 50 ans et plus passent presque deux fois plus de temps au chômage que les autres…

[1] « L’impact du chômage sur les personnes et leur entourage : mieux prévenir et accompagner », Jacqueline Farache, CESE (mai 2016).

Sabina Issehnane Maître de conférences à Rennes-II

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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