« La piste terroriste est exclue »
Pour les forgerons de l’opinion, Killian, lesté de flingues, n’est pas un terroriste. Mais Zyed, lui, en est un.
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Le 16 mars, un élève de 17 ans dont le prénom est Killian, fasciné semble-t-il par quelques tueries à l’américaine (comme celle de la Columbine High School [Colorado], qui avait fait quinze morts en 1999), se pointe au lycée Tocqueville de Grasse (Alpes-Maritimes) avec un fusil, deux armes de poing, deux grenades et « un engin explosif artisanal ». Il se met à tirer, faisant plusieurs blessés, dont le proviseur de l’établissement. On apprendra plus tard que cet adolescent, « fils d’un élu municipal de droite [1] », a trouvé son revolver « chez son grand-père » et le fusil « chez son père », et qu’il avait, selon la procureure de la République, l’intention d’abattre « huit à quatorze lycéens » contre lesquels il éprouvait du « ressentiment ».
Dans la France de 2017, traumatisée depuis deux ans par les attentats que l’on sait et cadenassée dans l’état d’urgence par son gouvernement « socialiste » , ça fait quand même beaucoup. Mais, très curieusement, personne, ou presque, dans les coteries médiatiques et politiciennes d’où montent régulièrement – et pour de bien moindres prétextes (puisqu’il suffit désormais que des manifestant[e]s jettent des cailloux sur des vitrines pour qu’elles se lancent dans des concours d’imprécations) – des hurlements sécuritaires, n’a émis l’hypothèse que la fusillade de Grasse puisse éventuellement être considérée comme un acte de terreur. Tout au rebours : « la piste terroriste » a immédiatement été « exclue », et l’étonnant M. Ciotti, député filloniste (après avoir été longtemps à M. Sarkozy) des Alpes-Maritimes, a très vite tenu à proclamer que l’auteur des coups de feu était « un élève normal » – cependant que BFM TV soulignait, avec moins de causticité qu’en d’autres moments, qu’il s’agissait, selon Najat Vallaud-Belkacem, d’un « jeune homme fragile ».
Puis, samedi, un homme de 39 ans, équipé lui d’« une arme de poing », sous l’emprise d’un mélange d’alcool, de cannabis et de cocaïne, et dont le prénom était Zyed [2], a été abattu à Orly après s’être emparé du fusil d’assaut d’une militaire en patrouille. Et là, étrangement : personne n’a exclu, dans l’instant ou presque, la piste terroriste (laquelle a au contraire été rapidement confirmée, par M. Ciotti notamment, qui a eu tôt fait de « crier » – sur son blog – que « le terrorisme » venait encore de « frapper notre pays »). Itou : personne n’a évoqué la possibilité que l’assaillant d’Orly, dont les intentions n’étaient certes pas moins affreuses que celles du lycéen de Grasse, ait pu être quelqu’un de « fragile ».
Dans l’imaginaire collectif des forgerons de l’opinion, le prénommé Killian, lesté de plein de flingues – et d’une bombe artisanale –, n’est donc pas un terroriste, nonobstant qu’il avait, dit-on, prémédité une tuerie. Mais Zyed, lui, en est un – et l’on aimerait que soit creusé ce qui détermine ce tri sélectif…
[1] Qui n’est bien sûr en rien responsable du geste de son rejeton.
[2] Son patronyme, à lui, a été diffusé. Contrairement à celui de Killian.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.