Le retour de la dérégulation
Le candidat Macron vient de se déclarer favorable à un allégement de la régulation bancaire.
dans l’hebdo N° 1445 Acheter ce numéro
La crise financière qui a débuté en 2008 avait interrompu le cycle de libéralisation financière qui l’avait précédée. Il a été reconnu que le déficit de régulation a été l’une des causes de la crise. Si les autorités états-uniennes n’avaient pas levé les règles destinées à limiter le surendettement des ménages à la fin des années 1990, la crise des subprimes n’aurait sans doute pas eu lieu. Les années qui ont suivi la crise ont été marquées par un renforcement de la régulation financière, d’une ampleur cependant moindre qu’à la suite de la crise de 1929.
Or, plusieurs indices permettent de penser que l’on se trouve depuis peu au début d’un nouveau cycle de dérégulation financière. L’événement le plus spectaculaire est la signature, le 3 février, par Donald Trump de l’un de ses fameux décrets présidentiels, abrogeant une partie de la loi Dodd-Frank mise en place en 2010 par l’administration Obama pour encadrer l’activité bancaire. En janvier 2017, on avait déjà appris que les grands régulateurs des banques à l’échelle de la planète avaient, faute d’accord, interrompu leurs négociations en vue de finaliser les règles dites de « Bâle III », destinées à limiter les risques pris par les banques internationales.
L’Union européenne n’est pas en reste dans ce mouvement de recul du contrôle de la finance. La Commission Juncker, en 2016, a décidé de lancer un vaste programme de libéralisation des marchés financiers, sous le nom d’« union des marchés de capitaux ». Par ailleurs, on peut s’attendre à ce que le Royaume-Uni se lance dans une surenchère en matière de dérégulation pour maintenir la domination de la City de Londres après le Brexit. Pour compléter ce tableau, le risque de dérégulation est également bien réel en France : le candidat Macron vient de se déclarer favorable à un allégement de la régulation bancaire, jugée trop contraignante, ce qui n’est pas une surprise de la part d’un ancien banquier !
Ce recul face au nécessaire contrôle de la finance a de quoi inquiéter. Il montre que les décideurs publics sont amnésiques et n’ont pas tiré les leçons de la crise. Il se produit au moment où le système financier international connaît des évolutions particulièrement dangereuses. Ainsi, on a assisté à un développement rapide du shadow banking (banque de l’ombre), c’est-à-dire la partie opaque et non régulée du système financier international. Les actifs gérés par cette banque de l’ombre représentent désormais 50 % du système bancaire traditionnel dans le monde. Autre indice inquiétant : le poids croissant du trading à haute fréquence, c’est-à-dire les transactions financières effectuées à la vitesse de la lumière par des ordinateurs, et qui peuvent entraîner des flash krachs (krachs éclair) financiers imprévus. La part des opérations sur les actions réalisées par cette technique est désormais de 50 % aux États-Unis et de 25 % en Europe. La dérégulation va laisser libre cours à ces évolutions dangereuses pour la stabilité financière internationale. La prochaine crise financière n’est peut-être pas loin [1]…
[1] Voir Par ici la sortie. Cette crise qui n’en finit pas, Attac, Les liens qui libèrent.
Dominique Plihon Membre du conseil scientifique d’Attac.
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