Sahara occidental-Maroc : Justice bafouée pour 25 militants
Le procès des militants sahraouis a repris le 13 mars devant la cour d’appel de Rabat-Salé.
dans l’hebdo N° 1445 Acheter ce numéro
« Les coutures du “procès équitable” craquent sous les coups de boutoir de la raison d’État. » C’est par cette phrase que Me Breham, l’un des avocats français des 25 militants sahraouis jugés actuellement devant la cour d’appel de Rabat-Salé, a commenté le déroulement du procès à l’issue de la première journée d’audience. Celui-ci a en effet repris lundi 13 mars, les accusés toujours enfermés dans une cage de verre et disposant, contrairement aux précédentes audiences, d’un haut-parleur leur permettant d’entendre les débats. Emprisonnés depuis six ans, condamnés par un tribunal militaire en 2013 à des peines allant de vingt ans à la perpétuité, ils sont poursuivis pour le meurtre de onze membres des forces de sécurité marocaines lors du démantèlement violent du camp de Gdeim Izik. Des milliers de tentes traditionnelles installées à l’automne 2010 dans la périphérie de Laâyoune, capitale du Sahara occidental, pour protester contre l’occupation marocaine.
Avec une accusation fondée essentiellement sur des aveux extorqués sous la torture – comme l’a reconnu le 12 décembre dernier le Comité de l’ONU contre la torture –, la cour marocaine a bien du mal à respecter les apparences d’une justice digne de ce nom. Dimanche, veille de la reprise du procès, un magistrat espagnol venu en observateur a été expulsé du Maroc, tout comme, pour la troisième fois, Claude Mangin-Asfari, épouse française de l’un des accusés, alors que les conventions internationales lui donnent le droit de rendre visite à son mari et d’assister à son procès.
À lire aussi >> notre entretien avec Claude Mangin-Asfari Sahara occidental : « Le Maroc est une puissance occupante »
Magistrats et procureur du roi marocains ne cessent d’empêcher les plaidoiries de la défense. « Nous sommes sans cesse insultés dans la salle d’audience », ont déclaré les avocats des accusés, « et la violation du droit à un procès équitable est ici manifeste ». Ainsi, lorsque Me Olfa Ouled a osé invoquer la Convention de Genève, le président s’est écrié : « Elle doit dégager ; si vous continuez, je vous expulse ! » Les avocats de la défense ont néanmoins décidé, pour l’instant, de continuer à assister les accusés, malgré les multiples entorses au droit qu’ils tentent de dénoncer, notamment le non-respect du protocole d’Istanbul relatif aux conditions d’une expertise médicale sur des victimes de torture. Une expertise, ordonnée par la cour et non achevée, qui aurait dû suspendre les audiences… Le Maroc est en fait très embarrassé par ce procès suivi de près à l’étranger, dont l’accusation ne repose sur aucune preuve matérielle, comme l’avait reconnu la Cour de cassation du royaume elle-même dans son arrêt de 2016, censurant le jugement du tribunal militaire, à l’origine de ce renvoi en appel.