Souria Houria : pédagogie et solidarité
L’association créée par des Syriens de Paris, qui conserve des liens étroits avec la société civile syrienne, organise chaque mois un débat public.
dans l’hebdo N° 1444 Acheter ce numéro
Parmi les sources très sérieuses avec lesquelles on peut travailler depuis Paris, il y a l’association Souria Houria (Syrie liberté) [1]. Née en mai 2011, trois mois après le déclenchement de la révolution, elle a été lancée par des Syriens de Paris, en contact permanent avec le pays. Le but était de casser un mur de silence, mais aussi de transmettre des informations fiables. La réalisatrice Hala Abdallah et Farouk Mardam-Bey, qui fut l’une des grandes plumes de la Revue d’études palestiniennes et qui est aujourd’hui directeur de la collection Sindbad aux éditions Actes Sud, en sont les principaux animateurs. Nous les avons rencontrés.
Comment s’organisent vos actions ?
Hala Abdallah : Nous sommes présents depuis 2011 dans les manifestations en soutien aux rebelles, en plus des débats dans nos locaux, enrichis par les contacts dont nous disposons à l’intérieur de la Syrie. Ces contacts sont précieux car la situation est difficile à comprendre. Avec nos contacts sur place, nous avons voulu faire connaître les slogans, les images et les événements qui s’y déroulaient pour défendre le mouvement révolutionnaire, rapidement devenu orphelin. Ce travail de pédagogie avec la société civile française se fait aussi avec les Syriens et les réfugiés, qui parlent souvent uniquement l’arabe. Nous aidons également les enfants syriens qui arrivent à Paris. Puisqu’ils ont le droit d’aller à l’école même si leurs parents n’ont pas encore une situation administrative stable, ils apprennent très vite, plus vite que leurs parents. On leur propose donc de l’aide aux devoirs grâce au programme L’Abricot de la Ghouta, mais aussi des projets artistiques autour du théâtre ou du dessin. C’est important qu’ils aient la possibilité de faire de belles choses et de vivre normalement.
Initiatives pour le sixième anniversaire
L’ancien ministre communiste Jack Ralite a lancé un appel à tous les directeurs de théâtre, qui a réuni quelque 150 signatures. Cette déclaration sera lue le 15 mars à l’Institut du monde arabe, en présence de cinéastes. Dans ce même lieu, l’association Revivre propose une table ronde. Le Tarmac, théâtre du XXe arrondissement, prévoit tout un programme artistique autour de la Syrie. « Ensemble ! » organise des rencontres pour revenir sur la situation depuis le début des événements, de manière très pédagogique. Le Théâtre du Soleil propose plusieurs événements dans une manifestation intitulée « Lumières du pays » à la Cartoucherie du 3 au 19 mars. Toutes ces créations s’accompagnent de musiques et de débats autour de la culture de la résistance, en plus de la grande manifestation annuelle du 18 mars.
Comment les enfants viennent-ils jusqu’à vous ?
H. A. : Le travail de confiance était difficile au début pour que les parents nous confient leurs enfants. Nous avons ensuite réussi à les convaincre en organisant des conversations en langue française pour eux.
F. M.-B. : L’association française Revivre, qui a travaillé notamment avec d’anciens détenus syriens, nous a beaucoup aidés dans la sensibilisation des populations.
Quelles sont vos relations avec la Syrie ? Les contacts sont-ils encore possibles ?
F. M.-B. : Il y a encore des associations sur place, qui ne sont pas françaises. Il y en a aussi, en Europe, qui soutiennent des initiatives à l’intérieur du pays, comme l’accompagnement de femmes vers un métier ou la création d’écoles situées hors des zones contrôlées par le gouvernement. Mais ces initiatives sont très difficiles à mettre en place. Chaque fois qu’il y a une école, des centres d’aides créés, à Damas, à Idlib ou dans la banlieue proche d’Alep, tout est bombardé, que ce soit par le gouvernement de Bachar Al-Assad ou par Daech.
H. A. : C’est important de mettre la lumière sur la magnifique résistance de la société civile. Ici, cette résistance est souvent gommée par certains discours politiques et médiatiques. À Damas et dans le nord du pays, des gens résistent alors qu’ils sont complètement abandonnés.
F. M.-B. : Autour de la ville d’Idlib, les habitants des villages ont résisté et sont parvenus à repousser Daech. Mais, dans le même temps, Bachar les bombardait ! C’est effroyable pour la population locale. À Maarat Al-Numan, des vieilles femmes se sont attaquées à des soldats armés parce qu’ils capturaient leurs enfants. Ces femmes du peuple sont d’un courage exemplaire.
Quelles sont les ressources de votre association ?
H. A. : Nous tenons à notre indépendance et refusons des financements occultes ou venant d’organisations inconnues. Alors nous menons des actions pour recevoir un peu d’argent, comme des stands de livres et notre bazar de Noël, qui a lieu chaque année. Cet argent nous sert à financer trois écoles. Les 110 membres de l’association participent aussi, en plus des dons individuels, qui ont augmenté depuis deux mois, avec le réveil incroyable sur la situation d’Alep.
Vous n’avez pas de relations avec les partis politiques ?
H. A. : Pendant la première année, même si ce n’était pas directement à l’association, certaines personnes du Parti communiste étaient présentes, et puis, sans donner de raison, elles se sont éloignées. En revanche, le NPA, Ensemble ! et EELV sont plutôt fidèles à nos actions. L’attitude du Parti socialiste est ambivalente. La Mairie de Paris accueille parfois nos activités dans ses salles, mais les militants sont absents du terrain. Ils peuvent signer une pétition ou un appel, mais ne viennent pas aux manifestations. À l’inverse, nous dialoguons plus avec les militants de la France insoumise qu’avec leurs cadres, qui tiennent souvent des discours dont les informations sont dépourvues de sources locales.
F. M.-B. : Le 24 mars, un débat sera organisé en compagnie de représentants de la gauche française, mais aussi de personnes de la société civile, pour encore expliquer la situation et répondre aux questions.
[1] souriahouria.com
[2] leconflitsyrienpourlesnuls.org