Syrie : La bataille de l’information
Fausses vidéos de décapitation, amalgames grossiers : le régime ne lésine pas sur la propagande. Quelles sources sont fiables ?
dans l’hebdo N° 1444 Acheter ce numéro
Pour justifier l’injustifiable, le régime syrien a usé de toutes les méthodes de désinformation. L’enjeu : démontrer que les rebelles étaient tous des terroristes tueurs d’enfants. Tous ou presque affiliés à Al-Qaïda. C’est d’ailleurs le discours de Bachar Al-Assad depuis le début du soulèvement. Comment démêler le vrai du faux ? Pour notre part, nous avons sollicité plusieurs sources en lesquelles nous avons acquis une grande confiance, souvent dans d’autres conflits. L’Agence France Presse de Beyrouth est de celles-là. Nous en connaissons le responsable depuis plus de trente ans. Nous l’avons vu travailler pendant la guerre civile libanaise. À Alep, le journaliste Karam Al-Masri, lui-même originaire de la ville, a été présent pendant toute cette période, avec plusieurs pigistes. Il a tour à tour été emprisonné dans les geôles du régime et dans celles de Daech. Il a subi des tortures et cru plusieurs fois sa dernière heure arrivée. Il raconte son expérience dans un blog poignant [1] et parle aussi de son éthique du métier : « Cette profession, dit-il, je pense qu’elle est sacrée. »
Le chef du bureau de Beyrouth, Sammy Ketz, unanimement reconnu dans la profession, s’est lui-même rendu à plusieurs reprises en Syrie dans la dernière période. Et l’AFP a gardé un bureau à Damas : « Nous avons à la fois nos sources gouvernementales, dans l’armée et le renseignement, et du côté des rebelles ».
À propos de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), dont on entend dire sur certains réseaux sociaux qu’il se résumerait à « un homme seul, basé à Londres », Sammy Ketz est formel : « L’OSDH est peut-être basé à Londres, mais il dispose d’un réseau très dense dans tout le pays, et nous avons pu vérifier maintes fois, par notre propre réseau, que ses informations sont d’une grande fiabilité. » « Nous essayons de donner une image la plus proche possible de ce que nous considérons être la réalité », ajoute-t-il. Mais Sammy Ketz avoue être quasi quotidiennement confronté à des entreprises de désinformation. « Et c’est pour ça que l’on prend notre temps pour vérifier. Les réseaux sociaux sont un instrument important de l’information, mais surtout de désinformation. Et ce n’est pas parce qu’une information est reprise sur dix sites qu’elle est vraie. Il faut qu’elle soit toujours vérifiable. Et je crois que, sur ce conflit, nous n’avons jamais donné prise à la désinformation. On nous a dit qu’Assad était mort, que son frère avait les jambes coupées, et que, dans l’opposition, on mangeait les cadavres… » Vérifier, diversifier les sources, c’est ce que nous essayons de faire, à l’abri, autant que possible, des discours idéologiques.
[1] making-of.afp.com