« Tombé du ciel », de Wissam Charaf : Tragicomique libanais
Tombé du ciel, de Wissam Charaf, se veut une histoire contemporaine d’un pays toujours meurtri.
dans l’hebdo N° 1445 Acheter ce numéro
Longtemps passé pour mort, Samir est un ancien milicien libanais qui resurgit subitement dans la vie de son petit frère, Omar, videur d’une boîte de nuit avant d’occuper un poste de garde du corps d’une jeune femme lancée dans la politique. Revenu du diable Vauvert, d’outre-tombe. D’on ne sait où, sinon que sa disparition a duré vingt ans, mais qu’il n’a pas changé. « On dirait qu’on t’a mis dans du formol », lui dit Omar. Peu disert sur ces années, peu loquace sur son passé, sans papiers ni existence légale, il n’en a pas moins oublié comment remonter un pistolet les yeux bandés, en quelques secondes, entre deux moqueries fraternelles et des cauchemars qui remplissent ses nuits. Affaire d’héritage.
Aux forceps, et près d’un père dont la raison a déraillé, au milieu des silences, des non-dits, des refoulements et des quêtes de repères, cette confrontation entre les deux frères est celle du Liban entre hier et aujourd’hui, plongé dans le traumatisme de la guerre civile. Un Liban qui n’en finit pas de chercher ses disparus comme ses mots (la perte subite de la parole du frère cadet n’est pas un hasard), avec un Beyrouth, toujours souffrant, sous tension, qui tente de se reconstruire dans la pause des attentats en série.
S’il y a toujours quelque chose qui vient rappeler la guerre, Wissam Charaf n’en fait pas un drame. De clins d’œil en références aux conflits du passé, dans des paysages à la fois meurtris et sublimes, oscillant entre la fable et le fantasme, tutoyant parfois la comédie, Tombé du ciel se veut une histoire contemporaine du Liban racontée dans la légèreté. Parmi d’autres scènes confinant à l’absurde, un dialogue tragicomique entre gardes du corps sur des questions vestimentaires en est un exemple. Ou ce vendeur de voitures de luxe apprenant l’allemand en lisant Mein Kampf !
Tombé du ciel, de Wissam Charaf, 1 h 10.