« La Belle Occasion » d’Isild Le Besco : Désirs de liberté

Avec La Belle Occasion, Isild Le Besco développe un langage cinématographique singulier, entre ténuité et fulgurances.

Christophe Kantcheff  • 12 avril 2017 abonné·es
« La Belle Occasion » d’Isild Le Besco : Désirs de liberté
© photo : JHR Films

Il y a une dizaine d’années, au Havre, Jean-Luc Godard avait invité deux ou trois jeunes réalisateurs dont le cinéma lui parlait. Parmi eux : Isild Le Besco. Sa manière à la fois précaire et déterminée, loin des sentiers battus, l’absence de références ostensiblement revendiquées, pouvait plaire à l’« ermite » de Rolle. Isild Le Besco poursuit son bonhomme de chemin sans dévier de sa démarche, dont l’économie de moyens induit une grande liberté. Après le jusqu’au-boutiste Bas-Fonds (2011), voici La Belle Occasion.

Si l’essentiel du film se déroule dans le milieu forain, avec une femme, Sarena (Isild Le Besco), et son jeune frère (Paul Bartel) tenant une baraque de barbe à papa, les premières images opèrent comme une utopie onirique. On y voit des enfants asiatiques (de Thaïlande ? Du Laos ?) vraisemblablement orphelins, tandis que la voix parlée-chantée d’Isild Le Besco déploie une ode tragique à la fraternité, sur une musique proche des mélodies entêtantes de Laurie Anderson. Cette entrée en matière est non seulement splendide, hypnotique, mais elle donne au film un envol poétique, étranger à la prose littérale et naturaliste.

La première partie de La Belle Occasion multiplie ces illuminations. C’est un regard ou une attitude, l’espace d’un plan, souvent bref et a priori anodin, mais prenant une forte résonance au sein de la partition que développe le montage, très sensitif. Le spectateur mesure peu à peu la responsabilité que porte Sarena envers son frère immature, et envers l’homme (Yuriy Milyayev) qui les accompagne, dont on ignore le lien de parenté avec eux, éructant en russe : elle s’en occupe comme une mère et assure leurs maigres revenus.

Survient un nouveau personnage : une jeune fille rousse et muette (Yara Pilartz), au physique d’ingénue, une étrange héritière. Le frère de Sarena lui glisse qu’une fille comme elle pourrait être une sorcière. Mais il n’est pas impossible qu’elle soit un ange en mal d’amour. Son innocence bouscule les rapports au sein du trio, où l’étreinte pesant sur Sarena se desserre. Le film perd ensuite de son émouvante légèreté pour produire quelques symboles plus signifiants. Sur l’éternel combat entre la Pureté et le Mal, par exemple. Mais on retient surtout de La Belle Occasion la grâce qui en émane, et ses soudaines fulgurances.

La Belle Occasion, Isild Le Besco, 1 h 19


Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes